samedi 24 août 2024

La démocratie en péril : le déclin des institutions et la montée des populismes

Les démocraties occidentales traversent une crise profonde. Les institutions qui ont forgé la prospérité s'effritent, laissant le champ libre aux sirènes populistes de tous bords. Comment en sont-elles arrivées là?

Acemoglu et Robinson l'ont démontré dans leur ouvrage majeur "Why Nations Fail" : la clé du succès occidental réside dans ses institutions politiques et économiques inclusives. En distribuant largement le pouvoir politique et les opportunités économiques, elles ont créé un cercle vertueux de progrès et d'innovation. La prospérité n'est pas le fruit du hasard, mais celui d'un équilibre subtil entre État et marché, entre liberté et régulation.

Cet équilibre a été rompu par le virage ultra-libéral des années 1980. Sous couvert de libérer les énergies du marché, on a affaibli les contre-pouvoirs et concentré richesses et influence dans les mains d'une élite qui snobe les frontières nationales et les juridictions fiscales. La concentration du capital et la financiarisation croissante de l'économie illustrent parfaitement cette dérive. Le S&P 500, indice phare de la bourse américaine : en 1980, les 10% d'entreprises les plus importantes représentaient environ 20% de la capitalisation totale. Aujourd'hui, ce chiffre dépasse les 30%. 

Thomas Piketty, dans son ouvrage magistral "Le Capital au XXIe siècle", apporte un éclairage crucial sur les mécanismes de concentration du capital. Le rendement du capital dépassant le taux de croissance depuis ce virage ultra-libéral, les détenteurs de patrimoine voient leur richesse croître plus vite que l'économie dans son ensemble. Ce phénomène engendre une spirale de concentration : les grands patrimoines se reproduisent plus vite que ne se créent de nouvelles richesses, conduisant à une accumulation toujours plus importante du capital entre les mains d'une minorité. Cette tendance avait pourtant été inversée par les politiques économiques inclusives qui ont suivi la seconde guerre mondiale. Le retour à cette dynamique de concentration explique en grande partie l'explosion des inégalités observée depuis les années 1980 et met en péril le contrat social démocratique.

Cette tendance s'accompagne d'une montée en puissance vertigineuse des géants de la gestion d'actifs. BlackRock, le plus important d'entre eux, gère aujourd'hui plus de 10 000 milliards de dollars d'actifs, soit l'équivalent du PIB cumulé de la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Cette puissance financière démesurée se traduit par une influence politique considérable, bien loin des idéaux démocratiques des institutions qui ont généré la prospérité inégalée de l'occident.

Dans son ouvrage percutant "Makers and Takers", Rana Foroohar dresse un constat alarmant de cette financiarisation. Elle démontre comment le secteur financier, censé être au service de l'économie réelle, est devenu une fin en soi. Une grande partie des institutions financières, au lieu de financer l'innovation et la croissance, privilégient désormais les activités spéculatives à court terme. Cette dérive a des conséquences dévastatrices : elle détourne les capitaux de l'investissement productif, freine l'innovation, et accentue les inégalités. Foroohar souligne également comment cette financiarisation excessive a corrompu le monde de l'entreprise, poussant les dirigeants à privilégier les rachats d'actions et les fusions-acquisitions plutôt que l'investissement dans la recherche et le développement ou dans le capital humain.

Le résultat ? Une "sécession des élites" qui se rêvent en citoyens du monde, méprisent les cultures et les frontières nationales qu'elles voient comme des reliques du passé, voient l'impôt comme une confiscation du fruit de leur "mérite", et cooptent une élite politique sous influence et souvent issue des mêmes milieux sociaux et établissements universitaires. Pendant ce temps, les classes moyennes et populaires voient leur niveau de vie stagner et leur voix politique s'affaiblir. Le sentiment d'impuissance et d'abandon qui en résulte nourrit les populismes de droite comme de gauche. Leurs promesses simplistes séduisent un électorat désabusé, prêt à sacrifier les acquis démocratiques sur l'autel d'un changement radical.

Le paradoxe est cruel : c'est en sapant les fondements mêmes de son succès - ses institutions inclusives - que l'Occident met en péril sa prospérité future. La tentation du repli identitaire à droite ou de l'étatisme forcené à gauche ne fera qu'accélérer ce déclin.

L'urgence est de reconstruire un contrat social équilibré. Cela passe par un renforcement des institutions démocratiques, une meilleure régulation économique et une lutte résolue contre la sécession économique, géographique et culturelle des élites. C'est à ce prix que ces dernières pourront se réconcilier avec le reste de la société et couper l'herbe sous le pied des populismes.

Le défi est immense, mais l'enjeu l'est tout autant : il s'agit ni plus ni moins que de sauver le modèle démocratique Occidental. L'Histoire jugera les élites de l'Occident sur leur capacité à relever ce défi.

samedi 6 juillet 2024

L'imposture dangereuse du populisme nationaliste


Dans un contexte de crise sociale et de défiance envers les institutions, le Rassemblement National se présente comme le défenseur du "peuple" contre les "élites". Mais derrière cette image soigneusement construite se cache une une escroquerie intellectuelle flagrante et une réalité bien plus sombre : celle d'un parti héritier d'une idéologie profondément anti-républicaine, qui instrumentalise les peurs et le ressentiment pour promouvoir un programme trompeur, inapplicable et injuste,  aux conséquences qui ne manqueront pas d'être désastreuses.

Les racines troubles d'un parti qui n'a pas rompu avec son passé

Rappelons d'abord les origines du Front National, ancêtre du RN. Fondé en 1972, il rassemble alors d'anciens collaborateurs, des nostalgiques de l'Algérie française et des néofascistes. Jean-Marie Le Pen, son fondateur, s'est illustré par ses multiples provocations antisémites, dont la tristement célèbre qualification des chambres à gaz de "détail de l'histoire". 

Si Marine Le Pen a tenté de donner une image plus lisse au parti, les liens avec l'extrême-droite la plus radicale persistent. En témoignent les révélations sur l'infiltration de néonazis dans les rangs du parti, comme l'affaire Chatillon en 2019. Les dérapages réguliers de certains cadres, comme les propos islamophobes de Robert Ménard ou l'éloge de Pétain par Louis Alliot, montrent que le fond idéologique n'a pas fondamentalement changé.

Une vision anti-républicaine de la société française

Malgré les efforts pour polir leur image, les valeurs fondamentales du RN demeurent foncièrement anti-républicaines. L'égalité, la fraternité et la liberté, piliers de la République, sont constamment sapées par un discours qui oppose les Français entre eux, stigmatise les minorités et rejette l'altérité. Le RN prône une exclusion sociale sous couvert de protection nationale, une homogénéité forcée contraire à la diversité et à l'inclusivité qui font la richesse de la France. Le rejet des immigrés, la suspicion envers les musulmans, et la promotion d'un nationalisme étriqué ne sont que des facettes d'une idéologie qui cherche à diviser plutôt qu'à unir.

Election après élection, le programme du RN reste fondé sur des valeurs profondément opposées aux principes républicains :

  • La remise en cause de l'égalité : la "préférence nationale" prônée par le RN est une forme de discrimination institutionnalisée, contraire au principe d'égalité inscrit dans la Constitution.
  • Une conception ethnique de la nation : le RN défend une vision de l'identité française fondée sur des critères ethniques et culturels, en opposition au modèle républicain d'intégration.
  • L'affaiblissement de l'État de droit : les propositions du RN visent à réduire l'indépendance de la justice (comme la suppression de l'École Nationale de la Magistrature) et à limiter le rôle des contre-pouvoirs.
  • Une dérive autoritaire : le parti prône un renforcement du pouvoir exécutif au détriment du Parlement et des corps intermédiaires.

Un programme économique et social trompeur

Le RN se présente comme le défenseur des classes populaires, mais son programme réel va à l'encontre de leurs intérêts :

  • Politique sociale : le parti a systématiquement voté contre les augmentations du SMIC, contre l'extension du congé paternité, ou encore contre la loi sur l'égalité professionnelle.
  • Droits des travailleurs : le RN s'est opposé à la loi renforçant les droits des salariés licenciés et a voté pour la loi El Khomri qui flexibilisait le droit du travail.
  • Droits des femmes : malgré un discours d'égalité, le RN a voté contre la loi sur la parité en politique et s'est abstenu sur la loi contre les violences conjugales.
  • Fiscalité : le programme économique du RN, basé sur un euroscepticisme et un protectionnisme strict qui valent Frexit de fait, est jugé irréaliste par la plupart des économistes et risquerait d'aggraver la situation des plus modestes.

Les leçons des expériences populistes à l'étranger

Les exemples récents de gouvernements populistes montrent les dangers réels de ces mouvements une fois au pouvoir :

  • Hongrie : Viktor Orban a progressivement mis au pas les médias, la justice et l'opposition, instaurant ce qu'il appelle lui-même une "démocratie illibérale".
  • Brésil : sous Jair Bolsonaro, on a assisté à une explosion de la déforestation en Amazonie et à une gestion catastrophique de la pandémie de Covid-19.
  • États-Unis : la présidence Trump s'est caractérisée par une polarisation extrême de la société, une remise en cause des institutions démocratiques, des largesses fiscales pour les plus riches et les plus grandes entreprises, financées par la dette,  et une politique migratoire inhumaine.
  • Italie : le bref gouvernement de la Ligue du Nord a montré l'incapacité des populistes à tenir leurs promesses économiques irréalistes.

Il est crucial de comprendre que le RN, une fois au pouvoir, révélera sa véritable nature. Ce masque de respectabilité tombera, et les conséquences pour la République et pour la cohésion sociale seront désastreuses.

Il exploite habilement les frustrations et les peurs légitimes d'une partie de la population. 

Ses "solutions", loin d'améliorer la situation, ne feraient qu'aggraver les problèmes et mettraient en danger la République. Face aux défis de notre époque, ce n'est pas le repli nationaliste et l'autoritarisme qui sauveront le pays, mais bien le renforcement de ses valeurs républicaines et la réparation de  son modèle économique et social. 

Les racines du mal : l'échec et l'entêtement des élites traditionnelles à imposer des politiques qui n'assurent plus une prospérité partagée

Il serait malhonnête d'ignorer le terreau fertile sur lequel prospère le populisme du RN. La montée de ce parti est aussi le symptôme d'un échec plus large du système politique. Depuis les années 1980, les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, n'ont pas su tenir la promesse démocratique d'une prospérité partagée. Cette promesse reposait sur trois piliers : des emplois abondants, une stabilité économique élevée et des services publics de qualité. Or, la désindustrialisation, les crises économiques à répétition et le démantèlement progressif de l'État-providence ont profondément érodé ces acquis.

Les élites politiques et économiques portent une lourde responsabilité dans cette situation. Plus attachées à leurs données macro-économiques et à leurs analyses sophistiquées, elles n'ont pas su écouter ni protéger efficacement les "perdants" de la mondialisation et des mutations technologiques. Le creusement des inégalités, la précarisation de l'emploi et le sentiment d'abandon de territoires entiers ont nourri une colère légitime que le RN a su habilement exploiter.

Cette analyse ne justifie en rien les dérives populistes, mais elle souligne l'urgence d'une refondation d'un pacte démocratique rénové. Face au RN, la réponse ne peut se limiter à une simple dénonciation : elle doit inclure une autocritique des partis traditionnels et des propositions concrètes pour renouer avec la promesse d'une prospérité inclusive.

La spectaculaire victoire électorale récente du Parti Travailliste britannique, sur un programme qui rompt avec les dérives populistes des années Brexit des conservateurs comme des travaillistes de Corbyn, offre un exemple à méditer.


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Références : 

Origines et liens persistants avec l'extrême-droite

  • Igounet, V. (2014). "Le Front national de 1972 à nos jours : Le parti, les hommes, les idées". Seuil.
  • Albertini, D. et Doucet, D. (2013). "Histoire du Front national". Tallandier.
  • "Affaire Chatillon : au cœur du système de financement du FN". Le Monde, 11 octobre 2019.
  • "Louis Aliot évoque un Pétain 'protecteur des juifs' : l'Assemblée s'indigne". Le Figaro, 16 février 2022.

Valeurs anti-républicaines

  • Mayer, N. (2018). "Les électeurs du Front national (2012-2015)". Presses de Sciences Po.
  • Rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, 2021.
  • "Le programme du Rassemblement National pour 2022". Site officiel du RN.
  • Lebourg, N. (2019). "Les droites extrêmes en Europe". Seuil.

Programme économique et social

  • Analyses des votes à l'Assemblée nationale, site nosdeputes.fr
  • "Marine Le Pen et l'économie : un programme flou et dangereux". Les Échos, 14 avril 2022.
  • Rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES), 2021.
  • "Le coût exorbitant d'une sortie de l'euro". Le Monde, 21 avril 2022.

Expériences populistes à l'étranger

  • Müller, J-W. (2016). "Qu'est-ce que le populisme ?". Folio.
  • "Hongrie : Viktor Orban, champion de l''illibéralisme' en Europe". France 24, 3 avril 2022.
  • "Brésil : le bilan désastreux de Jair Bolsonaro". Le Monde diplomatique, janvier 2023.
  • Levitsky, S. et Ziblatt, D. (2018). "La mort des démocraties". Calmann-Lévy.

Analyses politiques générales

  • Perrineau, P. (2017). "Cette France de gauche qui vote FN". Seuil.
  • Crépon, S., Dézé, A. et Mayer, N. (dir.) (2015). "Les faux-semblants du Front national". Presses de Sciences Po.Taguieff, P-A. (2015). "La revanche du nationalisme". PUF.
  • "Le populisme en Europe". Rapport de la Fondation Robert Schuman, 2019.
Sur la désillusion des perdants de la mondialisation
 
  • Piketty, T. (2019). "Capital et Idéologie". Seuil.
  • Guilluy, C. (2014). "La France périphérique". Flammarion.
  • Rosanvallon, P. (2020). "Le Siècle du populisme". Seuil.
  • OCDE (2019). "Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse". Éditions OCDE.
  • Rapport sur les inégalités en France, Observatoire des inégalités, 2021.
  • lundi 20 mai 2024

    La désindustrialisation de la France : un naufrage aux multiples causes

    Depuis plusieurs décennies, la France assiste impuissante au déclin inexorable de son industrie manufacturière, entraînant avec elle un déclin économique et social sans précédent. Cette érosion du tissu industriel français a des causes profondes et variées, mais ses conséquences sociales, économiques et politiques sont uniformément graves : montée du chômage, insécurité grandissante, échec de l'intégration des immigrés dans certains territoires, augmentation des inégalités, et pression fiscale record pour financer un modèle social devenu insoutenable. 

    Si les racines de ce naufrage industriel sont multiples et profondément ancrées dans l'histoire récente, en comprendre les causes est essentiel pour envisager une renaissance industrielle nécessaire au redressement du pays.

    Les racines culturelles et politiques

    La culture française a longtemps été marquée par une forte influence du communisme, qui a souvent diabolisé dans le débat public le capitalisme et l'initiative privée, et instillé dans la société une culture de la lutte des classes et de la défiance envers les entreprises et le patronat, dont la capacité d'adaptation de l'économie française à la mondialisation a fait les frais. 

    Plutôt que de s’ouvrir aux nouvelles règles du jeu économique mondial, le corps social a souvent cherché à préserver ses acquis, au risque de marginaliser l'industrie nationale. Les syndicats, tout en ayant un rôle légitime crucial dans la protection des travailleurs, ont encouragé l'immobilisme, en s'opposant systématiquement aux réformes nécessaires pour rendre les entreprises plus compétitives à l'échelle mondiale. Cette attitude contre-productive a freiné l'adaptation des fleurons industriels nationaux face à la concurrence étrangère.

    Ensuite, la société française dans son ensemble a montré une résistance farouche à embrasser la globalisation économique d'inspiration anglo-saxonne. Méfiance vis-à-vis du libéralisme, corporatismes et lobbyings divers ont longtemps constitué un terrain hostile aux restructurations et innovations nécessaires. Plutôt que de s’ouvrir aux nouvelles règles du jeu économique mondial, la France a souvent cherché à préserver ses acquis, au risque de se marginaliser.

    Des considérations environnementales, certes légitimes, ont également été instrumentalisées pour freiner l'essor de certains secteurs clés. L'indispensable transition écologique a été souvent mal gérée, avec des politiques parfois punitives et décourageantes pour l'industrie, plutôt que d'encourager une innovation responsable et la modernisation des infrastructures existantes.

    Errements de la classe politique et d'une partie des élites économiques

    La classe politique a évidemment sa part de responsabilité en ayant mené des politiques économiques contreproductives. L'aveuglement idéologique de certains gouvernements les a conduits à augmenter les charges pesant sur les entreprises industrielles et à les étouffer sous le poids de la complexité réglementaire, au lieu d'encourager l'innovation des PME et de favoriser leur nécessaire compétitivité sur les marchés mondiaux. 

    D'autres ont cédé à la tentation de solutions court-termistes comme le soutien artificiel à des canards boiteux industriels au lieu de faciliter leur restructuration ou reconversion. Pour ne rien arranger, le manque de cohérence et de continuité dans les politiques industrielles a créé un environnement instable et peu attractif pour les entreprises.

    Cette accumulation d'erreurs stratégiques a lourdement obéré la capacité de l'appareil productif français à se réinventer et à rester compétitif.

    Enfin, une partie des élites économiques françaises a cédé à l'illusion funeste d'une tertiarisation "inéluctable" de l'économie nationale. Obnubilées par une vision désindustrialisée et financiarisée de l'avenir qui irait "dans le sens de l'Histoire". En extrapolant à tort des tendances certes décelables dans l'Histoire économique européenne, ces élites ont négligé l'importance vitale du renouvellement permanent de l'outil industriel. Cette vision déconnectée des réalités a contribué à une désastreuse perte de savoir-faire, à la délocalisation massive des usines, et au chômage de masse.

    Ce déclin industriel de la France a été bien plus prononcé que dans des pays aux économies pourtant comparables comme l'Italie ou l'Espagne, également confrontées aux défis de la globalisation. Le contraste est encore plus frappant avec l'Allemagne, qui a su préserver et moderniser une grande partie de sa puissante industrie manufacturière. Ce retard désormais abyssal creusé avec les principaux pays voisins, pourtant soumis au même défi de l'insertion dans les chaînes de valeurs mondiales, souligne l'ampleur du désastre industriel français.

    La France doit se ressaisir

    La réindustrialisation de la France ne sera certainement pas aisée mais n’est pas qu'une utopie; il s'agit d'une nécessité impérative pour assurer au pays un horizon prospère et stable, et conjurer la montée des extrêmes et le délitement du tissu social. Cela demande une prise de conscience partagée, une volonté politique forte, une vision claire, et un engagement collectif dans la durée, autour de profondes et énergiques réformes. 

    Devant l'immensité du défi, le peuple français doit renouer avec ce ressort quasi-mystique qui l'a déjà sorti de l'abyme plus d'une fois dans sa longue Histoire, en témoignent : la Renaissance ayant suivi la guerre de Cent Ans, le formidable développement sous Henri IV qui a suivi la promulgation de l'Edit de Nantes, la modernisation économique et sociale majeure suite à la Révolution et aux guerres Napoléoniennes, les années folles et les Trentes Glorieuses qui ont suivi la Première et la Seconde Guerres mondiales, s'il ne fallait citer que les épisodes les plus spectaculaires.

    samedi 18 mai 2024

    Islamophobia in France: The Betrayal of Enlightenment

     Some will say that secularism implies a form of legitimate distrust of religions. But the uninhibited Islamophobia that is growing in France now goes beyond the limits of distrust. It is the very negation of the universalist and humanist ideals which founded the Republic. 


    At a time when a growing part of the population, pushed by a fringe of extremists, is reconnecting with this irrational fear of Islam and Muslims, let us delve into the roots of this French evil. Its matrix draws on the troubled sources of colonial wars and the Algerian rift. 

    It is the still raw wound of this unacknowledged memory of France of the "dark years", with its practices of torture, abuses and crimes against humanity which haunt the relations of the French with some of their fellow citizens of North African origin. 

    How could these heirs of the victims of the worst of colonization still place their trust in a state which, half a century later, continues to deny them part of their identity and their dignity? 

    Islamophobia, this primary and irrational rejection of Islam and Muslims in their entirety, fuels a vicious circle of mutual distrust and unhealthy withdrawal into identity. Instead of peacefully integrating its citizens from immigrant backgrounds, France still maintains ghettos where communitarian temptations, precariousness and despair then flourish. 

     A large part of the 5 million French citizens from Muslim families experience this xenophobia on a daily basis: discrimination in hiring, housing problems, hateful looks in the street, police facial checks, Islamophobic invectives, etc. Added to this is the schizophrenic hypocrisy of official speeches, describing Islam as a “retrograde religion” in essence and Muslims as “second-class citizens”. 

    How can we be surprised, then, that the most brilliant elites from this scorned French youth are increasingly fleeing a country that rejects them? The hemorrhage to other, more welcoming and tolerant nations is accelerating. A terrible loss of talent and wealth for France. 

    Should we recall that in the name of the Enlightenment, the Republic established freedom of conscience and worship as founding principles? That the revolutionary fathers were committed to combating the obscurantism of fanaticism and religious oppression? 

    How did France come to sacrifice on the altar of blind hatred these ideals of openness, reason and tolerance which were the pride of its universalism? By cowardly giving in to the Manichaeism and populist ease of a growing part of the political, media and intellectual elites. 

     Basically, systematically pointing the finger at the Muslim religion and stigmatizing its practitioners is to become complicit in the same sectarian inclinations that we claim to denounce. It is undermining the secular foundations of the nation, by insidiously reintroducing a new form of oppression and state hostility towards a particular religion. It is high time that the Republic stopped betraying its noblest ideals. May she regain her moral integrity in the face of the nauseating pressures of small Islamophobic groups. May it once again become the France of the Enlightenment, land of asylum for oppressed peoples, generous utopia and refuge of freedom of conscience for all. 

    Political and media entrepreneurs 

    Unfortunately, some of the political, media and intellectual elites did not hesitate to play with these old demons of stigmatization for their electoral calculations or their thirst for easy ratings. Through demagoguery and opportunism, some have not hesitated to stir up fears and prejudices instead of fighting them. 

    By constantly designating the so-called "threat" of Islam as the sole scapegoat for the ills of French society, by demonizing without nuance entire sections of the population, these entrepreneurs of vindictiveness have trivialized a climate of distrust and rejection carrying worst abuses. 

    Whether they are driven by an assumed far-right ideology or by simple electoral ulterior motives, these slayers of the “republican divide” have paradoxically contributed to increasingly widening community divides. By playing on the populist fiber of fear of the Other and withdrawal into identity. 

    With an escalation of sterile controversies on the values ​​of the Republic, religious symbols or secularism, they have engaged in a real cultural battle against a part of the French population, now presented as foreign to the national community. 

    Discourses of rejection and hasty amalgamations then gradually became extremely commonplace, even in intellectual spheres, accredited by pundits eager for media buzz. The Republic was thus diverted into a land of repression of individual freedoms rather than a crucible of the values ​​of equality and universalism. 

    Double punishment 

    This spiral of rejection and distrust towards a part of our fellow citizens is all the more glaring in that it ignores the decisive historical contribution of immigrants from former colonies to national prosperity. 

    Let us never forget that it was the valiant arms of these workers from North Africa, sub-Saharan Africa and overseas departments who enabled France to rebuild itself and establish its extraordinary economic and industrial during the Thirty Glorious Years. Without them in the factories, construction sites, mines and fields, the great social success of the post-war period would not have been possible. 

    What ingratitude, what moral betrayal, to reject today the grandchildren of these builders in the darkest and most fragile interstices of the Republic! To confine them en masse to the ghettos of deindustrialized suburbs, these forgotten territories where social poverty has taken root. 

    By assimilating some of its own children to a threat, by relegating them to the margins, France is creating with its own hands the conditions for a disintegration of its model. It seals the failure of the emancipatory promise by denying these young people a dignified future, by depriving them of the means to fully belong to the national community. This immense human waste, this waste of living forces through territorial, economic and social segregation, constitutes a double iniquitous penalty for these families who have paid a heavy price for the greatness of the French nation. It is urgent to recognize this debt and pay it off, before it is too late. 

    Rejection of Islamism 

    However, it would be unfair and counterproductive to ignore the excesses of a section of Islamist currents which, through their controversial speeches and sectarian practices, also contribute to fueling fears and rejections. 

    The strategies of entryism and spearhead strategy carried out in France by organizations close to the Muslim Brotherhood or of Salafist and Wahhabi persuasions are factors in community fractures that cannot be ignored. Their reaffirmed desire to create a political Islam contesting the laws of the Republic, their victimizing preaching and their repeated questioning of secular principles and individual freedoms are sowing trouble. 

    Their attempts to interfere in the educational, religious and associative spheres to distill their rigorist theses and their reactionary ideology opposed to the values ​​of openness and equality, are a threat that must be denounced and fought with the greatest firmness in the world. very name of freedom of conscience. 

    Because these theological-political movements are the first gravediggers of the civic bond, cynically exploiting fears and rejections to increasingly anchor the idea of ​​a confessional separatism incompatible with the emancipatory promise of the French Republic. Playing a harmful game with consequences as disastrous as that of primary xenophobes and Islamophobes. 

    The most total lucidity is therefore required to denounce and fight resolutely, without any concession, all the forces of this civilizational chaos: whether they are the result of old stale hatreds or the new leprosy of religious radicalism, all threaten the republican foundations . Because the Republic will remain standing with its ideal of freedom, equality and universal fraternity for all, or it will no longer be. 

    Invisible success of integration 

    In the midst of these headwinds which threaten national cohesion, it is also appropriate to welcome the major progress and the invisible success of republican integration for a large part of France of Muslim faith. Far from discriminatory fantasies and political co-opting, the vast majority of this significant segment of the French population lives the values ​​of the Republic in total harmony. 

    The constant increase in mixed marriages, which today concerns one in three couples in the Muslim community, is the most glaring illustration of this. It is striking proof that the principles of equality, individual freedom and emancipation carried by the Enlightenment have taken root deep in hearts and minds. 

    Likewise, numerous paths to social ascension and professional success bear witness to this virtuous French-style integration. Some of the most accomplished doctors, lawyers, entrepreneurs, engineers, athletes and artists come from these families who are regularly singled out. 

    It is this silent majority, in love with the same ideals as all of their compatriots, which constitutes the crucible of living together and the best guarantee against communitarian excesses or xenophobic rejections. A majority which shows every day that one can be fully Muslim and fully French, serenely reconciling their multiple heritages in the same attachment to universal values. 

    Denial of historical reality 

    Beyond this historical inequity, the uninhibited Islamophobia that is spreading represents an even more scathing denial of the very roots of Western humanism. Because let us never forget that it is to Islamic civilization, heir to ancient enlightenment, that Europe owes its ability to emerge from the darkness of the Middle Ages. 

    In Baghdad, Damascus, Cairo and Cordoba, intellectual, artistic and scientific centers of unsuspected richness have flourished. Algebra, arithmetic, astronomy, medicine, philosophy, architecture... Muslim scholars and thinkers not only preserved and enriched the treasures of Hellenic and Oriental knowledge, but laid the foundations for the Renaissance. 

    It is this Arab-Muslim matrix which transmitted to the West the founding works of Aristotle, Ptolemy, Euclid and other builders of universal reason. And who bequeathed him his own jewels, from the love poetry of Rumi to the treatises of Avicenna, from Al-Khwarizmî to Averroes via Avicenna. 

    This creative abundance, this passion for the arts, sciences and knowledge, Europe would not have been able to absorb it without the opening to the Arab-Muslim world made possible by the Spain of convivencia and by the vectors that were Sicily and the Italian trading cities. 

    By giving in to the temptation of Islamophobic anathema, France and all of Europe would therefore be turning their backs on an essential part of their intellectual and humanist genealogy. They would deny this shared heritage of a common matrix, which irrigated their Renaissance before spreading its Enlightenment throughout the world. 

    Call for action

    Faced with the continued disintegration of the French republican pact, which fuels the darkest forces of hatred and extremism. It is high time to ward off this dangerous drift by forcefully denouncing it and stemming it with the utmost energy, before it destroys the promise of the Enlightenment. 

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    On the history of secularism and the principle of freedom of religion in France:

    • “History of secularism” by Jacqueline Lalouette (2016)

    On the after-effects of the Algerian war and colonization:

    • “The Algerian Syndrome” by Raphael Delpard (2002)

    On the discrimination suffered by Muslims in France:

    • CNCDH annual reports on racism and xenophobia
    • INSEE demographic statistical studies, SOS Racisme reports

    On the rise of Islamophobic discourse in public speeches:

    • “The new strategy of stigmatizing Islam” - Le Monde Diplomatique, 09/2022
    • “What is Islamophobia?” - L’Humanité, 04/22/2021
    • “Why Islamophobia is progressing in France” - Libération, 11/15/2020
    • File “Uninhibited Islamophobia” - Politis, 04/2019

    On the flight of Muslim elites from France:

    • “French entrepreneurs with immigrant backgrounds are leaving France” - Le Monde, 02/18/2022
    • “They chose exile” - L’Obs, 03/10/2021
    • “Part of the Muslim elites are leaving France” - Marianne, 05/27/2020

    vendredi 17 mai 2024

    Islamophobie en France : La Trahison des Lumières

    Certains diront que la laïcité implique une forme de défiance légitime envers les religions. Mais l'islamophobie décomplexée qui monte en France dépasse désormais les bornes de la défiance. C'est la négation même des idéaux universalistes et humanistes qui fondent la République. 

    À l'heure où une partie croissante de la population, poussée par une frange d'extrémistes, renoue avec cette peur irrationnelle de l'islam et des musulmans, replongeons dans les racines de ce mal français. Sa matrice puise aux sources troubles des guerres coloniales et de la déchirure algérienne. 

    C'est la plaie toujours à vif de cette mémoire inavouée de la France des "années noires", avec ses pratiques de torture, d'exactions et de crimes contre l'humanité qui hantent les rapports des français avec une partie de leurs concitoyens d'origine maghrébine. 

    Comment ces héritiers des victimes du pire de la colonisation pourraient-ils encore accorder leur confiance à un état qui, un demi-siècle après, continue de leur dénier une partie de leur identité et de leur dignité ? 

    L'islamophobie, ce rejet primaire et irrationnel de l'islam et des musulmans dans leur intégralité, alimente un cercle vicieux de défiance réciproque et de repli identitaire malsain. Au lieu d'intégrer sereinement ses citoyens issus de l'immigration, la France entretient toujours les ghettos où prospèrent ensuite les tentations communautaristes, la précarité et le désespoir. 

     Une grande partie des 5 millions de citoyens français issus de familles de culture musulmane vivent cette xénophobie au quotidien : discriminations à l'embauche, problèmes de logement, regards haineux dans la rue, contrôles de police au faciès, invectives islamophobes... A cela s'ajoute l'hypocrisie schizophrène des discours officiels, qualifiant l'islam de "religion rétrograde" par essence et les musulmans de "citoyens de seconde zone". 

    Comment s'étonner, dès lors, que les plus brillantes élites issues de cette jeunesse française bafouée fuient de plus en plus un pays qui les rejette ? L'hémorragie vers d'autres nations plus accueillantes et tolérantes s'accélère. Une terrible perte de talents et de richesses pour la France. 

    Faut-il rappeler qu'au nom des Lumières, la République avait érigé la liberté de conscience et de culte en principes fondateurs ? Que les pères révolutionnaires s'étaient engagés à combattre l'obscurantisme des fanatismes et des oppressions religieuses ? 

    Comment donc la France en est-elle arrivée à sacrifier sur l'autel de la haine aveugle ces idéaux d'ouverture, de raison et de tolérance qui faisaient la fierté de son universalisme ? En cédant lâchement au manichéisme et à la facilité populiste d'une partie croissante des élites politiques, médiatiques et intellectuelles. 

     Au fond, pointer systématiquement du doigt la religion musulmane et stigmatiser ses pratiquants, c'est se rendre complice des mêmes penchants sectaires que l'on prétend dénoncer. C'est saper les fondements laïcs de la nation, en réintroduisant insidieusement une nouvelle forme d'oppression et d'hostilité d'État envers une religion particulière. Il est grand temps que la République cesse de trahir ses idéaux les plus nobles. Qu'elle retrouve son intégrité morale face aux pressions nauséabondes des groupuscules islamophobes. Qu'elle redevienne la France des Lumières, terre d'asile des peuples opprimés, utopie généreuse et refuge de la liberté de conscience pour tous. 

    Entrepreneurs politiques et médiatiques 

    Malheureusement, une partie des élites politiques, médiatiques et intellectuelles n'a pas hésité à jouer avec ces vieux démons de la stigmatisation pour leurs calculs électoralistes ou leur soif de l'audimat facile. Par démagogie et opportunisme, certains n'ont pas hésité à attiser les peurs et les préjugés au lieu de les combattre. 

    En désignant constamment la prétendue "menace" de l'islam comme unique bouc émissaire des maux de la société française, en diabolisant sans nuance des pans entiers de la population, ces entrepreneurs de la vindicte ont banalisé un climat de défiance et de rejet porteur des pires dérives. 

    Qu'ils soient animés par une idéologie d'extrême droite assumée ou par de simples arrière-pensées électoralistes, ces pourfendeurs de la "fracture républicaine" ont paradoxalement contribué à creuser toujours plus les fossés communautaires. En jouant sur la fibre populiste de la peur de l'Autre et du repli identitaire. 

    Avec une surenchère de polémiques stériles sur les valeurs de la République, les signes religieux ou la laïcité, ils ont engagé un véritable combat culturel contre une partie de la population française, désormais présentée comme étrangère à la communauté nationale. 

    Les discours de rejet et les amalgames hâtifs se sont alors peu à peu banalisés à l'extrême jusque dans les sphères intellectuelles, accrédités par des plumitifs avides de buzz médiatique. La République a ainsi été dévoyée en terre de répression des libertés individuelles plutôt qu'en creuset des valeurs d'égalité et d'universalisme. 

    Double peine 

    Cette spirale du rejet et de la défiance envers une partie des concitoyens revêt une injustice d'autant plus criante qu'elle fait fi de l'apport historique déterminant des immigrés issus des anciennes colonies à la prospérité nationale. 

    N'oublions jamais que ce sont les bras vaillants de ces travailleurs venus d'Afrique du Nord, d'Afrique subsaharienne et des départements d'outre-mer qui ont permis à la France de se reconstruire et d'asseoir son extraordinaire essor économique et industriel durant les Trente Glorieuses. Sans eux dans les usines, les chantiers, les mines et les champs, la grande réussite sociale de l'après-guerre n'aurait pu voir le jour. 

    Quelle ingratitude, quelle trahison morale, que de rejeter aujourd'hui les petits-enfants de ces bâtisseurs dans les interstices les plus sombres et les plus fragilisés de la République ! De les cantonner en masse dans les ghettos des banlieues désindustrialisées, ces territoires oubliés où la misère sociale a pris racine. 

    En assimilant une partie de ses propres enfants à une menace, en les reléguant dans les marges, la France est en train de créer de ses propres mains les conditions d'un délitement de son modèle. Elle scelle l'échec de la promesse émancipatrice en niant à ces jeunes un avenir digne, en les privant des moyens de tisser pleinement leur appartenance à la communauté nationale. Cet immense gâchis humain, ce gaspillage de forces vives par la ségrégation territoriale, économique et sociale, constitue une double peine inique pour ces familles qui ont payé un lourd tribu à la grandeur de la nation française. Il est urgent de reconnaître cette dette et de la solder, avant qu'il ne soit trop tard. 

    Rejet de l'islamisme 

    Cependant, il serait injuste et contre-productif de faire l'aveugle sur les dérives d'une frange des courants islamistes qui, par leurs discours controversés et leurs pratiques sectaires, contribuent également à nourrir les peurs et les rejets. 

    Les stratégies d'entrisme et de stratégie du fer de lance menées en France par des organisations proches des Frères Musulmans ou d'obédiences salafistes et wahhabites sont des facteurs de fractures communautaires qu'on ne saurait ignorer. Leurs volontés réaffirmées de créer un islam politique contestant les lois de la République, leurs prêches victimaires et leurs remises en cause répétées des principes laïcs et des libertés individuelles sèment le trouble. 

    Leurs tentatives d'immixtion dans les sphères éducatives, cultuelles et associatives pour y distiller leurs thèses rigoristes et leur idéologie réactionnaire opposée aux valeurs d'ouverture et d'égalité, sont une menace qu'il faut dénoncer et combattre avec la plus grande fermeté au nom même de la liberté de conscience. 

    Car ces mouvements théologico-politiques sont les premiers fossoyeurs du lien civique, exploitant avec cynisme les peurs et les rejets pour ancrer toujours plus l'idée d'un séparatisme confessionnel incompatible avec la promesse émancipatrice de la République française. Jouant un jeu délétère aux conséquences aussi désastreuses que celui des xénophobes et des islamophobes primaires. 

    La lucidité la plus totale est donc requise pour dénoncer et combattre résolument, sans concession aucune, toutes les forces de ce chaos civilisationnel : qu'elles soient le fait des vieilles haines rances ou de la nouvelle lèpre des radicalismes religieux, toutes menacent les fondements républicains. Car la République restera debout avec son idéal de liberté, d'égalité et de fraternité universelle pour tous, ou ne sera plus. 

    Succès invisible de l'intégration 

    Au milieu de ces vents contraires qui menacent la cohésion nationale, il convient également de saluer les progrès majeurs et le succès invisible de l'intégration républicaine pour une large partie français de confession musulmane. Loin des fantasmes discriminatoires et des récupérations politiques, la grande majorité de cette frange importante de la population française vit en totale harmonie les valeurs de la République. 

    L'augmentation constante des mariages mixtes, qui concernent aujourd'hui un couple sur trois dans la communauté musulmane, en est l'illustration la plus criante. C'est une preuve éclatante que les principes d'égalité, de liberté individuelle et d'émancipation portés par les Lumières ont germé en profondeur dans les cœurs et les esprits. 

    De même, de nombreux parcours d'ascension sociale et de réussite professionnelle témoignent de cette intégration vertueuse à la française. Des médecins, avocats, entrepreneurs, ingénieurs, sportifs et artistes parmi les plus accomplis sont issus de ces familles pourtant régulièrement montrées du doigt. 

    C'est cette majorité silencieuse, éprise des mêmes idéaux que l'ensemble de leurs compatriotes, qui constitue le creuset du vivre-ensemble et la meilleure garantie contre les dérives communautaristes ou les rejets xénophobes. Une majorité qui montre chaque jour que l'on peut être pleinement musulman et pleinement français, réconciliant avec sérénité ses héritages multiples dans un même attachement aux valeurs universelles. 

    Déni de réalité historique 

    Au-delà de cette iniquité historique, l'islamophobie décomplexée qui se répand représente un reniement d'autant plus cinglant des racines mêmes de l'humanisme occidental. Car n'oublions jamais que c'est à la civilisation islamique, héritière des lumières antiques, que l'Europe doit d'avoir pu sortir des ténèbres du Moyen-Âge. 

    A Bagdad, Damas, Le Caire ou Cordoue ont rayonné des foyers intellectuels, artistiques et scientifiques d'une richesse insoupçonnée. Algèbre, arithmétique, astronomie, médecine, philosophie, architecture... Les savants et penseurs musulmans ont non seulement préservé et enrichi les trésors des connaissances helléniques et orientales, mais ont posé les jalons de la Renaissance. 

    C'est cette matrice arabo-musulmane qui a transmis à l'Occident les œuvres fondatrices d'Aristote, Ptolémée, Euclide et autres bâtisseurs de la raison universelle. Et qui lui a légué ses propres joyaux, de la poésie amoureuse de Roumi aux traités d'Avicenne, d'Al-Khwârizmî à Averroès en passant par Avicenne. 

    Ce foisonnement créatif, cette passion pour les arts, les sciences et la connaissance, l'Europe n'aurait pu s'en abreuver sans l'ouverture au monde arabo-musulman permise par l'Espagne de la convivencia et par les vecteurs que furent la Sicile et les cités marchandes italiennes. 

    En cédant à la tentation de l'anathème islamophobe, la France et l'Europe toute entière tourneraient donc le dos à une part essentielle de leur généalogie intellectuelle et humaniste. Elles renieraient cet héritage partagé d'une matrice commune, qui irrigua leur Renaissance avant d'essaimer ses Lumières à travers le monde. 

    Appel au sursaut 

    Face au délitement continu du pacte républicain français, qui alimente les forces les plus sombres de la haine et des extrémismes. il est plus que temps de conjurer cette dangereuse dérive en la dénonçant avec force et en l'endiguant avec la dernière énergie, avant qu'elle n'achève de faire sombrer la promesse des Lumières. 

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Références :

    Sur l'histoire de la laïcité et du principe de liberté de culte en France :

    • "Histoire de la laïcité" de Jacqueline Lalouette (2016)

    Sur les séquelles de la guerre d'Algérie et de la colonisation :

    • "Le Syndrome Algérien" de Raphael Delpard (2002)

    Sur les discriminations subies par les musulmans en France :

    • Rapports annuels de la CNCDH sur le racisme et la xénophobie
    • Études statistiques démographiques de l'Insee, rapports de SOS Racisme

    Sur la montée des discours islamophobes dans les discours publics:

    • "La nouvelle stratégie de stigmatisation de l'islam" - Le Monde Diplomatique, 09/2022
    • "Qu'est-ce que l'islamophobie ?" - L'Humanité, 22/04/2021
    • "Pourquoi l'islamophobie progresse en France" - Libération, 15/11/2020
    • Dossier "L'islamophobie décomplexée" - Politis, 04/2019

    Sur la fuite des élites musulmanes de France :

    • "Des entrepreneurs français issus de l'immigration quittent la France" - Le Monde, 18/02/2022
    • "Ils ont choisi l'exil" - L'Obs, 10/03/2021
    • "Une partie des élites musulmanes quitte la France" - Marianne, 27/05/2020




    The muffled cry of the Palestinian people

    For more than a century, the Palestinian people have suffered a historic injustice perpetrated in the name of Zionism, the ideological movement aimed at creating a Jewish national home in Palestine. What was supposed to be a solution to anti-Semitism in Europe has tragically turned into a never-ending nightmare for Palestinians.

    Let's go back to the origins. After World War I and the collapse of the Ottoman Empire, Britain received a League of Nations mandate in 1920 to administer Palestine. From then on, with the blessing of Western powers, Zionists massively encouraged Jewish immigration to Palestine. In 1947, ignoring Arab protests, the UN voted on the plan to divide this territory between a Jewish state and an Arab state. It was the beginning of dispossession.

    In 1948, as the British left Palestine, Zionist militias took advantage of the vacuum to unilaterally proclaim the creation of Israel on more than 77% of the land. What followed was the Nakba (“catastrophe” in Arabic), the forced exodus of more than 700,000 Palestinians fleeing massacres and the destruction of entire villages. Acts that many historians today describe as ethnic cleansing.

    Since then, the Palestinians have suffered a centuries-old injustice: the illegal military occupation of their lands by Israel, the ever-increasing colonization of the West Bank by Jewish settlements, the inhumane blockade of Gaza, daily discrimination, the confiscation of their natural resources... How can the United Nations tolerate such a blatant violation of international law?

    In 2024, it is clear that the so-called peace process was nothing more than an illusion. While the negotiations were not moving forward, Israel was methodically pursuing its policy of annexing Palestinian land. The Jewish state benefits from an apartheid system that it persists in denying, despite damning reports from NGOs like Amnesty and Human Rights Watch.

    It is high time that the international community opened its eyes and took firm action. Demand respect for international law, an end to the occupation and illegal colonization of Palestinian territories. Recognize the State of Palestine within its 1967 borders. Unambiguously condemn the war crimes and crimes against humanity perpetrated against the Palestinians. Use all diplomatic and economic means to put pressure on Israel so that it finally respects the UN resolutions.

    The Palestinian people, bullied, robbed of their land, deprived of their most basic rights for decades, have suffered too much. His cry must finally be heard. The historical injustice of which he is a victim at the hands of Israel, with the complicity of the great powers, must end. No people on Earth should suffer such a fate. The universal conscience rises today to say: enough! The time has come to bring justice and freedom to the Palestinians.

    Moral suicide of the West

    The unwavering support of Western powers for Israel since its creation in 1948 reveals the immense hypocrisy which undermines their supposed moral superiority.

    The United States embraced the Zionist cause very early on, seeing Israel as a strategic ally in the Middle East. Since 1967, billions of dollars in US military aid to the Jewish state have contributed significantly to the continued illegal occupation and colonization of the Palestinian territories.

    Europe is hardly left behind. Although it weakly condemns colonization at times, it remains Israel's leading commercial partner, strengthening its economic hold on the occupied territories. The United Kingdom, the former mandatory power that paved the way for Zionism, remains an active accomplice to the occupation.

    This Western control of the conflict has shaped a Kafkaesque system of "peace", where UN resolutions accumulate without ever being applied. Where Israeli settlers benefit from a favorable legal regime, while the Palestinians are subject to the rule of the occupier. Peace for some, apartheid for others.

    By selling out their founding ideals of freedom, equality and human rights, Western democracies have buried their credibility in the eyes of oppressed peoples. Their culpable blindness towards Israel definitively discredits them from any claim to moral superiority.

    Who can still take seriously their fine words about the “values” they are supposed to defend? Their cynical realpolitik is causing a regime of apartheid, discrimination and dispossession to reign in Palestine that the world can no longer tolerate.

    With the rise of new emerging powers, the West is seeing its influence decline. His balance of power will soon no longer allow him to impose an unjust solution by force. The only honorable outcome is to change our minds, renounce our ambiguous complacency and finally work for a just and lasting peace that respects the inalienable rights of the Palestinians.

    If it does not want to sink into irreversible discredit, the West must reconnect with its conscience and make justice prevail over short-sighted geostrategic or economic interests. The fate of the Palestinians is the litmus test that will determine whether so-called Western “values” still have meaning or are just a hypocritical illusion.

    If the responsibility of Western powers in the Palestinian tragedy is undeniable, it would be unfair to ignore the repeated betrayals of part of the Arab world towards the Palestinian people.

    The “Arab brothers”

    From the beginning of the conflict, certain Arab countries displayed their indifference, even their hostility towards the Palestinians. King Abdullah I of Transjordan thus coveted parts of Palestine to expand his kingdom. Divisions between Arab nationalists and the Arab League hampered resistance to the partition plan.

    After the Nakba of 1948, Palestinian refugees were herded into miserable camps, kept in destitution calculated by the host countries to serve the "cause". Their right of return has been sold off on the altar of divergent geopolitical interests.

    More recently, the Palestinian Authority no longer even has the political and financial support of part of the Arab world, which preferred to move closer to Israel. Egypt and Jordan signed peace treaties at the cost of abandoning the Palestinians. The Gulf petromonarchies have begun de facto normalization with the Jewish state.

    Worse, this year 2024, while Palestine is experiencing a new cycle of deadly violence, several Sunni Arab capitals seem to be aligning with the American peace plan decried as "the infamy of the century". A plan rejecting the legitimate rights of Palestinians, a sine qua non condition for a just and lasting peace.

    So many denials, selfish calculations and compromises which tarnish the honor of Arab leaders as much as the cause they are supposed to defend. By betraying the Palestinians, the soul and dignity of the Arab people are damaged.

    This pusillanimous moral failure will be remembered as the eternal shame of those who sacrificed a brother people on the altar of their ambitions and their short-sightedness. Let them no longer come to cloak themselves in the trappings of pan-Arabism and Arab-Muslim solidarity: their cowardice has dishonored them in the eyes of the world.

    Fraternal call to action

    It is time for people around the world, of all persuasions and origins, to rise up and bring down the arrogance of the oppressors. For too long, consciences have remained silent in the face of the endless martyrdom of the Palestinian people.For too long, our leaders have turned a blind eye to this injustice through cynicism, self-interest or cowardice.

    May those who call themselves defenders of human rights stop being complicit in a despicable apartheid system through their culpable indifference! Let voices be raised everywhere to denounce the unbearable denial of the right of Palestinians to self-determination, in dignity and freedom!

    Citizens, let us campaign by all peaceful and legal means to force our governments to break with this policy of (alleged) reason of state which flouts our most sacred ideals. Join the mobilization for firm sanctions against the Israeli colonial state, until it stops its iniquitous oppression.

    May the year 2024 become that of a surge of people and consciences! Enough betrayals, procrastination, compromises with injustice! For too long, Palestine has shouted to the universe its legitimate right to exist. It is high time to finally hear his call for freedom!

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    References:

    UN reports:
    - Resolution 181 of the General Assembly of United Nations (1947)
    - Reports of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Occupied Palestinian Territories (John Dugard, Richard Falk, Michael Lynk)

    Historians on the Nakba:
    - Ilan Pappé, "The Ethnic Cleansing of Palestine" (2006)
    - Benny Morris, "The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited" (2004)
    - Walid Khalidi, "All That Remains" (1992)

    NGO on human rights:
    - Amnesty International - Annual reports on the OPT
    - Human Rights Watch - Reports on Israel/Palestine
    - Al-Haq - Field reports on violations in the West Bank

    International law:
    - John Dugard, "Occupied territories and international law" (2003)
    - Michael Lynk, "Reports of the Special Rapporteur on the situation human rights in the OPT" (2016-2022)

    Palestinian testimonies:
    - Ghassan Kanafani, "The Child of One or the Other Homeland" (1963)
    - Edward Saïd, "Orientalism" (1978)
    - Raja Shehadeh, “Palestinian Walks” (2007)

    Analyzes of the conflict:
    - Noam Chomsky, “Why there?” (2015)
    - Avi Shlaim, "The Iron Wall" (2000)
    - Rashid Khalidi, "Broker Vision: Palestinian Memoir" (2013)
    - Norman Finkelstein, "The Holocaust Industry" (2000)

    On Arab divisions initials against Zionism:
    - Benny Morris, "Victims:Revisited history of the Arab-Zionist conflict" (2003)
    - Walid Khalidi, "Palestine partition plan: Study of a decision taken against the grain" (1984)

    On the fate of Palestinian refugees in Arab countries:
    - UNRWA report on refugee camps (2022)
    - Reports from NGOs such as Amnesty and HRW on the condition of refugees

    On Arab normalization with Israel:
    - Articles from analysis by Al-Jazeera and Middle East Eye on the Abraham Accords
    - "The Unacceptable Deal of the Century" by Alain Gresh (2020)

    On the American "peace plan" criticized in 2024:
    - Press analysis articles Arabic (Al-Quds Al-Arabi, Al-Araby al-Jadeed, etc.)
    - Statements from Palestinian NGOs like Al-Haq, PCHR, etc.

    Palestinian testimonies on Arab betrayal:
    - Edward Said, "The Palestinian Question" (1979)
    - Statements by Hanan Ashrawi, Mustafa Barghouti and other Palestinian leaders

    Le cri étouffé du peuple palestinien

    Depuis plus d'un siècle, le peuple palestinien subit une injustice historique perpétrée au nom du sionisme, ce mouvement idéologique visant à créer un foyer national juif en Palestine. Ce qui devait être une solution à l'antisémitisme en Europe s'est tragiquement transformé en un cauchemar sans fin pour les Palestiniens.

    Revenons aux origines. Après la Première Guerre mondiale et l'effondrement de l'Empire ottoman, la Grande-Bretagne reçut en 1920 un mandat de la Société des Nations pour administrer la Palestine. Dès lors, avec la bénédiction des puissances occidentales, les sionistes encouragèrent massivement l'immigration juive en Palestine. En 1947, faisant fi des protestations arabes, l'ONU vota le plan de partage de ce territoire entre un État juif et un État arabe. C'était le début de la dépossession.

    En 1948, alors que les Britanniques quittaient la Palestine, les milices sionistes profitèrent du vide pour proclamer unilatéralement la création d'Israël sur plus de 77% des terres. S'ensuivit la Nakba ("catastrophe" en arabe), l'exode forcé de plus de 700 000 Palestiniens fuyant les massacres et les destructions de villages entiers. Des actes que de nombreux historiens qualifient aujourd'hui de nettoyage ethnique.

    Depuis, les Palestiniens ont subi une séculaire injustice : l'occupation militaire illégale de leurs terres par Israël, la colonisation sans cesse croissante de la Cisjordanie par les implantations de peuplement juives, le blocus inhumain de Gaza, les discriminations quotidiennes, la confiscation de leurs ressources naturelles... Comment les Nations unies peuvent-elles tolérer une telle violation flagrante du droit international ?

    En 2024, force est de constater que le prétendu processus de paix n'a été qu'un leurre. Pendant que les négociations n'avançaient pas, Israël poursuivait méthodiquement sa politique d'annexion des terres palestiniennes. L'État hébreu bénéficie d'un système d'apartheid qu'il s'obstine à nier, malgré les rapports accablants d'ONG comme Amnesty et Human Rights Watch.

    Il est grand temps que la communauté internationale ouvre les yeux et agisse fermement. Exiger le respect du droit international, la fin de l'occupation et de la colonisation illégale des territoires palestiniens. Reconnaître l'État de Palestine dans ses frontières de 1967. Condamner sans ambiguïté les crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés contre les Palestiniens. Faire pression par tous les moyens diplomatiques et économiques sur Israël pour qu'il respecte enfin les résolutions de l'ONU.

    Le peuple palestinien, brimé, spolié de ses terres, privé de ses droits les plus élémentaires depuis des décennies, n'a que trop souffert. Son cri doit être enfin entendu.L'injustice historique dont il est victime de la part d'Israël, avec la complicité des grandes puissances, doit cesser. Aucun peuple sur Terre ne devrait subir pareil sort. La conscience universelle se lève aujourd'hui pour dire : assez ! Le temps est venu de rendre justice et liberté aux Palestiniens.


    Suicide moral de l'occident

    Le soutien indéfectible des puissances occidentales à Israël depuis sa création en 1948 révèle l'immense hypocrisie qui mine leur prétendue supériorité morale.

    Les États-Unis ont très tôt embrassé la cause sioniste, voyant en Israël un allié stratégique au Moyen-Orient. Depuis 1967, les milliards de dollars d'aide militaire américaine à l'État hébreu ont largement contribué à la poursuite de l'occupation et de la colonisation illégales des territoires palestiniens.

    L'Europe n'est guère en reste. Si elle condamne mollement par moments la colonisation, elle demeure le premier partenaire commercial d'Israël, renforçant son emprise économique sur les territoires occupés. Le Royaume-Uni, l'ancienne puissance mandataire qui a ouvert la voie au sionisme, reste un complice actif de l'occupation.

    Cette mainmise occidentale sur le conflit a façonné un système de "paix" kafkaïen, où les résolutions de l'ONU s'accumulent sans jamais être appliquées. Où les colons israéliens bénéficient d'un régime juridique de faveur, tandis que les Palestiniens subissent la férule de l'occupant. Une paix pour les uns, un apartheid pour les autres.

    En bradant leurs idéaux fondateurs de liberté, d'égalité et de droits humains, les démocraties occidentales ont enterré leur crédibilité aux yeux des peuples opprimés. Leur aveuglement coupable vis-à-vis d'Israël les discrédite définitivement de toute prétention à la supériorité morale.

    Qui peut encore prendre au sérieux leurs belles paroles sur les "valeurs" qu'elles sont censées défendre ? Leur cynique realpolitik fait régner en Palestine un régime d'apartheid, de discrimination et de dépossession que le monde ne peut plus tolérer.

    Avec l'ascension des nouvelles puissances émergentes, l'Occident voit son influence décliner. Son rapport de force ne lui permettra bientôt plus d'imposer une solution injuste par la force. La seule issue honorable est de se raviser, renoncer à ses équivoques complaisances et œuvrer enfin pour une paix juste et durable respectant les droits inaliénables des Palestiniens.

    S'il ne veut pas sombrer dans un discrédit sans retour, l'Occident doit renouer avec sa conscience et faire prévaloir la justice sur les intérêts géostratégiques ou économiques de courte vue. Le sort des Palestiniens est l'épreuve de vérité qui déterminera si les prétendues "valeurs" occidentales ont encore un sens ou ne sont qu'un leurre hypocrite.

    Si la responsabilité des puissances occidentales dans la tragédie palestinienne est indéniable, il serait injuste de passer sous silence les trahisons répétées d'une partie du monde arabe à l'égard du peuple palestinien.


    Les "frères arabes"

    Dès les prémices du conflit, certains pays arabes ont affiché leur indifférence, voire leur hostilité envers les Palestiniens. Le roi Abdallah Ier de Transjordanie convoitait ainsi des pans de la Palestine pour agrandir son royaume. Les divisions entre nationalistes arabes et la Ligue arabe ont entravé la résistance face au plan de partage.

    Après la nakba de 1948, les réfugiés palestiniens furent parqués dans des camps misérables, maintenus dans un dénuement calculé par les pays d'accueil pour servir la "cause". Leur droit au retour a été bradé sur l'autel des intérêts géopolitiques divergents.

    Plus récemment, l'Autorité palestinienne n'a même plus le soutien politique et financier d'une partie du monde arabe, qui a préféré se rapprocher d'Israël. L'Égypte et la Jordanie ont signé des traités de paix au prix de l'abandon des Palestiniens. Les pétromonarchies du Golfe ont entamé une normalisation de facto avec l'État hébreu.

    Pis, cette année 2024, alors que la Palestine vit un nouveau cycle de violences meurtrières, plusieurs capitales arabes sunnites semblent s'aligner sur le plan de paix américain décrié comme "l'infamie du siècle". Un plan rejetant les droits légitimes des Palestiniens, condition sine qua non d'une paix juste et durable.

    Autant de reniements, de calculs égoïstes et de compromissions qui ternissent l'honneur des dirigeants arabes autant que la cause qu'ils sont censés défendre. En trahissant les Palestiniens, c'est l'âme et la dignité peuples arabes qui sont atteintes.

    Cette pusillanime forfaiture morale restera dans les mémoires comme la honte éternelle de ceux qui ont sacrifié un peuple frère sur l'autel de leurs ambitions et de leurs courtes vues. Qu'ils ne viennent plus se draper dans les oripeaux du panarabisme et de la solidarité arabo-musulmane : leur lâcheté les a déshonorés aux yeux du monde.


    Appel fraternel au sursaut

    Il est temps que les peuples du monde entier, toutes obédiences et origines confondues, se soulèvent et fassent plier l'arrogance des oppresseurs. Trop longtemps, les consciences sont restées muettes face à l'interminable martyr du peuple palestinien. Trop longtemps, nos dirigeants ont fermé les yeux sur cette injustice par cynisme, intérêt ou lâcheté.

    Que ceux qui se disent les défenseurs des droits humains cessent d'être les complices d'un système d'apartheid abject par leur indifférence coupable ! Que les voix s'élèvent partout pour dénoncer le déni insoutenable du droit des Palestiniens à disposer d'eux-mêmes, dans la dignité et la liberté !

    Citoyens, militons par tous les moyens pacifiques et légaux pour forcer nos gouvernements à rompre avec cette politique de la (prétendue) raison d'État qui bafoue nos idéaux les plus sacrés. Rejoignez la mobilisation pour des sanctions fermes contre l'État colonial israélien, jusqu'à ce qu'il cesse son inique oppression.

    Que l'année 2024 devienne celle du sursaut des peuples et des consciences ! Assez de trahisons, d'atermoiements, de compromissions avec l'injustice ! Depuis trop longtemps, la Palestine crie à l'univers son droit légitime à l'existence. Il est plus que temps d'entendre enfin son appel à la liberté !


    ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Références :

    Rapports de l'ONU :
    - Résolution 181 de l'Assemblée Générale des Nations Unies (1947)
    - Rapports du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les Territoires palestiniens occupés (John Dugard, Richard Falk, Michael Lynk)

    Historiens sur la Nakba :
    - Ilan Pappé, "The Ethnic Cleansing of Palestine" (2006)
    - Benny Morris, "The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited" (2004)
    - Walid Khalidi, "All That Remains" (1992)

    ONG sur les droits humains :
    - Amnesty International - Rapports annuels sur l'OPT
    - Human Rights Watch - Rapports sur Israël/Palestine
    - Al-Haq - Rapports de terrain sur les violations en Cisjordanie

    Droit international :
    - John Dugard, "Territoires occupés et droit international" (2003)
    - Michael Lynk, "Rapports du Rapporteur spécial sur la situation des droits humains dans les TPO" (2016-2022)

    Témoignages palestiniens :
    - Ghassan Kanafani, "L'Enfant de l'une ou l'autre patrie" (1963)
    - Edward Saïd, "L'Orientalisme" (1978)
    - Raja Shehadeh, "Palestinian Walks" (2007)

    Analyses du conflit :
    - Noam Chomsky, "Pourquoi là?" (2015)
    - Avi Shlaim, "Le Mur de fer" (2000)
    - Rashid Khalidi, "Broker Vision: Palestinian Memoir" (2013)
    - Norman Finkelstein, "L'Industrie de l'Holocauste" (2000)

    Sur les divisions arabes initiales face au sionisme :
    - Benny Morris, "Victimes: Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste" (2003)
    - Walid Khalidi, "Plan de partage de la Palestine : Étude d'une décision prise à contre-courant" (1984)

    Sur le sort des réfugiés palestiniens dans les pays arabes :
    - Rapport de l'UNRWA sur les camps de réfugiés (2022)
    - Rapports d'ONG comme Amnesty et HRW sur la condition des réfugiés

    Sur la normalisation arabe avec Israël :
    - Articles d'analyse de Al-Jazeera et Middle East Eye sur les accords d'Abraham
    - "L'inacceptable Deal du siècle" par Alain Gresh (2020)

    Sur le "plan de paix" américain décrié en 2024 :
    - Articles d'analyse de la presse arabe (Al-Quds Al-Arabi, Al-Araby al-Jadeed, etc.)
    - Déclarations d'ONG palestiniennes comme Al-Haq, PCHR, etc.

    Témoignages palestiniens sur la trahison arabe :
    - Edward Saïd, "La Question palestinienne" (1979)
    - Déclarations d'Hanan Ashrawi, Mustafa Barghouti et autres dirigeants palestiniens