samedi 31 décembre 2016

San Francisco : quintessence du néolibéralisme ?

La métropole de San Francisco a à la fois la chance et le malheur de compter sur son territoire un formidable éco-système d'innovation envié et copié par ses rivaux partout à travers le monde, mais qui reste à ce jour inégalé.

Une chance, de part la puissance d'attraction qu'exerce cet éco-système sur les chercheurs, universitaires, entrepreneurs, ingénieurs, capital-risqueurs, juristes, et autres cols blancs ultra-chouchoutés . Une chance également que de compter sur son territoire les sièges des richissimes et très puissants GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, figurant toutes depuis plusieurs années dans le top 10 des plus importantes capitalisations boursières du S&P500) et plusieurs dizaines de "licornes" (Tesla, Twitter, Airbnb, SpaceX, Netflix, Salesforce, pour ne citer que les plus emblématiques) ayant chacune largement révolutionné son secteur d'activité et sans doute de très nombreux autres start-up en hyper croissance qui décrocheront à leur tour le Saint Graal économique.

Comme à chaque fois qu'un groupe d'entreprises a connu un grand succès économique, il a profité du prestige et l'admiration que cela suscite pour influencer voire imposer ses normes culturelles et ses techniques de management bien en dehors de sa sphère économique. Il n'y a qu'à visiter le rayon économie de n'importe quelle librairie pour découvrir la prolifique littérature "évangélique" expliquant à l'aspirant entrepreneur ou au simple curieux comment répliquer, grâce au "Design Thinking", au "Lean Startup" et autres "Best Practices Agile", la formidable réussite de ses champions, pour autant qu'il n'oublie pas de faire l'exégèse des tweets, faits et gestes des nouveaux papes "Silicon Valiens" : Steve Jobs, Larry Page, Elon Musk, Peter Thiel, Mark Zuckenberg..

La Silicon Valley n'a pas n'ont plus oublié de profiter de la technophilie d'Obama pour gagner une influence considérable sur la Maison Blanche et le Congrès durant ses deux mandats.

Seulement voilà, le formidable afflux de richesse vers les entreprises de la Silicon Valley et leurs salariés-actionnaires est loin de bénéficier à tous, à commencer par les habitants de San Francisco qui n'ont pas la chance de détenir les compétences convoitées par le secteur High-Tech, mais qui au contraire ont vu leur ville devenir en quelques années plus chère que New York. Les loyers ont par exemple connu une hausse de 30% pour la seule année 2011-2012 (la médiane se situait à 3400$/mois en 2014. S'il ne s'agissait que d'un contre-choc de pouvoir d'achat, passe encore, mais les conséquences de la gentrification flash de la métropole sont autrement plus dramatiques : San Francisco compterait selon les estimations 6 fois plus de SDF de Bangkok, qui pourtant 10 plus peuplée! Les statistiques de l'administration de l'Etat de Californie sont implacables : le revenu moyen des 1% d'habitants de San Francisco les plus riches frôle les 3,6M$ soit 44 fois le revenu moyen (88k$) des 99% autres, et le revenu moyen de ces mêmes 1% représente désormais près de 31% du revenu global, alors qu'il n'était que de 15% en 1989.

L'essor économique de la ville a eu pour conséquence implacable d'exclure la vaste majorité de ses habitants du marché de l'immobilier, renforçant l'avantage des propriétaires qui ont vu flamber leur patrimoine avec le prix de leurs biens, accentuant ainsi les inégalités.

Au point que le mécontentement des exclus a pris des allures de révolte lorsque des protestataires ont mené une véritable guérilla urbaine contre les bus Google (cible particulièrement symbolique) transportant les salariés vers leurs bureaux.

Autre facette des inégalités produites par la Silicon Valley, au sein même de l'élite qu'elle recrute et dont elle a fait la fortune, elle fait grincer des dents à cause de son manque persistant de diversité sociale, ou quand des cadres recevant des salaires à six chiffres peinent à joindre les deux bouts.

La révolution numérique, synonyme au départ de progrès grâce à sa formidable force d'entraînement de l'innovation, ressemble fortement, au sein de son territoire de prédilection, à une source de régression sociale, en fabriquant à grande échelle et en peu de temps de fortes inégalités. Et le problème n'est pas confiné à la Silicon Valley : même la très libérale Banque Mondiale s'est fendue d'un rapport en janvier 2016 dénonçant l'inégale répartition des "dividendes" de la révolution numérique.


vendredi 23 décembre 2016

Chine, Russie, Iran, Inde : la fin de l’hégémonie Anglo-Américaine ?

Si les USA constituent depuis la seconde guerre mondiale une des plus formidables superpuissances de l'histoire de l'humanité, que dire de l'ensemble USA-Royaume-Uni, lié par leur "special relationship" née dans les affres de leur terrible guerre en tant qu'Alliés contre Hitler, nourrie et entretenue par leur histoire et langue communes, ainsi que leur croyance partagée dans les valeurs libérales puisées dans le protestantisme.

Cet ensemble Anglo-Américain (certains préfèrent parler d'"Empire Anglo-Saxon", terme à mon sens impropre), est sans aucun doute l'un des plus puissants que le monde aie connu depuis la chute de l'Empire Romain, à la différence fondamentale près que ce dernier a conquis militairement et administré directement l'immense superficie qui a constitué son corps.

La puissance déjà considérable de cet ensemble au lendemain de la seconde guerre mondiale, s'est trouvée décuplée à l'issue de l'autre grande confrontation du 20ème siècle, la guerre froide, avec le seul rival qui a su allier puissance militaire et influence idéologique, l'URSS.

Disproportionné en son sein, entre d'une part l'hyperpuissance américaine, et l'ex-empire britannique démantelé qui n'est plus que l'ombre historique de lui-même, l'ensemble a su néanmoins exploiter sa communauté de langue et de valeurs, pour imposer au reste du monde, après la chute du mur de Berlin, une domination fondée à la fois sur le "hard" et le "soft" power. Une domination fondée sur des principes définis en pleine seconde guerre mondiale, dans la Charte de l'Atlantique (1941) : la paix doit passer par la coopération économique, c'est-à-dire la baisse des barrières tarifaires, la promotion des libertés individuelles, et la sacro-sainte liberté d'entreprendre.

La puissance militaire et le prestige des vainqueurs (occultant d'ailleurs la décisive contribution Russe, qui a fourni 90% de l'effort humain de guerre) a été mis à profit pour instaurer une Pax Americana garantissant la sécurité des démocraties européennes, dans laquelle le Royaume-Uni joue le rôle de partenaire "junior" et le rôle de gardien est dévolu à l'OTAN. Mais la foi de l'ensemble Anglo-américain en son propre exceptionalisme a aussi légitimé l'imposition des principes démocratiques en Allemagne, en Italie et au Japon, puissances vaincues.

Mais la révolution conservatrice ultra-libérale menée par Reagan et Thatcher dans les années 1980 a tôt fait de démanteler le 3ème pilier de la Pax Americana : l'Etat-Providence, instauré par Roosevelt aux USA à travers le New Deal (qui visait à sortir de l'ornière de la Grande Dépression des années 1930), et au Royaume-Uni par le gouvernement travailliste sous le Premier Ministre Attlee (qui a créé le système de santé publique, et massivement investi dans l'habitat abordable).

La défaite de l'Empire Soviétique au lendemain de la guerre froide a, au yeux des conservateurs des deux côtés de l'Atlantique, signifié la victoire finale de l'exceptionalisme Anglo-américain, et fondé un "nouvel ordre mondial" fortement teinté d’interventionnisme militaire et d'ultra-libéralisme économique.

Ironie de l'histoire, ce sont les excès de l'interventionnisme militaire (fondé sur l'idée messianique d'être responsable de la propagation de l'idéal démocratique anglo-saxon, quitte à l'imposer par la force), et de dérégulation financière et d'ultra-libéralisme économique (fondé sur la croyance quasi-religieuse que rien ne doit entraver la libre initiative individuelle), qui ont induit en retour une vague de terrorisme islamiste ainsi que la plus grande crise bancaire et économique depuis les années 1930, et poussé les peuples britannique et américain à voter massivement en faveur d'un repli identitaire et nationaliste.

Au même moment, d'autres puissants ex-empires, qui ont connu de riches heures et marqué l'histoire de leur empreinte avant de sombrer en hibernation (certains intellectuels anglo-saxons les ont même enterrés un peu trop vite), reviennent très fort dans la course au Leadership mondial, avec l'appétit de celui qui a du subir un long jeûne et se retrouve devant un festin.

Tout d'abord la Chine, pesant près du quart de l'humanité, héritière d'une civilisation qui apparaît aujourd’hui, à l’instar de sa concurrente indienne, comme la plus ancienne du monde, avec ses trente-cinq siècles d’une histoire continue et l’existence, depuis plus de deux mille ans, d’un empire qui connut, certes, des crises ou des phases d’éclipse, mais qui s’imposa néanmoins comme le principal centre politique et le premier foyer culturel de tout l’Extrême-Orient.

Ensuite, la Russie, tenue pour quantité négligeable par l'occident après la chute du mur, qui s'est redonné avec Vladimir Poutine les moyens stratégiques de redevenir un acteur de premier plan sur la scène géopolitique mondiale. Malgré ses méthodes brutales, Poutine a su gagner le soutien massif et continu des russes en leur redonnant un sentiment de fierté et en restaurant l'ordre et un Etat fort.  La victoire -fortement symbolique- russe en Syrie a confirmé la naissance officielle du "monde multipolaire" que poutine a appelé de ses vœux dans son discours de Munich en 2007.

En troisième lieu l'Iran, héritier du puissant Empire Perse, et dont le territoire a donné naissance il y a 2500 ans au premier empire à vocation universelle. Depuis lors, les plateaux iraniens ont abrité des civilisations du plus extrême raffinement, qui n'ont rien à envier à l'Occident comme à l'Orient. Pays à la population jeune et éduquée, et disposant des deuxièmes réserves pétrolières au monde, il ambitionne aujourd'hui, après la levée des sanctions internationales, de rattraper son retard économique et de réaffirmer son importance géopolitique.

Et enfin l'Inde, très veille et très riche civilisation, pesant près de 20% de la population mondiale et authentique démocratie, en plein rattrapage économique et disposant de nombreux atouts pour devenir une des toutes premières puissances mondiales.

Mais n'enterrons pas trop vite l'hyperpuissance américaine, qui fait preuve d'une belle créativité pour maintenir son influence, en s'appuyant, comme l'a très bien analysé Dominique de Villepin (ex-ministre des affaires étrangères de Jacques Chirac),  sur trois solides piliers : leadership dans le numérique (grâce notamment aux GAFA), suprématie du dollar et unilatéralisme judiciaire.

Loin de me réjouir de voir deux brillantes nations, qui ont fourni des bataillons de grands esprits et légué maints chef-d’œuvres à l'humanité, se lancer dans des aventures pour le moins déshonorantes et au pire potentiellement tragiques, j'y vois une leçon que leurs concurrents feraient bien de méditer : si "L'humilité sert à agir avec puissance"(Lao-Tseu), "l'arrogance précède la ruine, l'orgueil précède la chute" (Satrenkyi).

dimanche 18 décembre 2016

Rationalité et passions politiques : la technocratie s'oppose t-elle à la démocratie?

L'histoire politique moderne alterne entre d'une part la défiance des citoyens envers le système politique partisan et ses représentants (les élus), perçu de plus en plus comme un foyer d'impuissance, notamment face à la mondialisation,  et semblant retrouver des mérites à une technocratie imprégnée du sens du bien public et affranchie des contingences politiciennes, et d'autre part le rejet voire "la révolte démocratique" vis-à-vis des élites technocratiques accusées d'attenter à la démocratie en imposant un ordre échappant au contrôle des instances élues, comme l'a montré récemment l'exemple du Brexit.

Terme aujourd'hui négativement connoté, la technocratie a pourtant émergé comme idée au XIXème siècle avec le positivisme d'Auguste Comte : "la technocratie est un gouvernement scientifique ayant pour objectif l'épanouissement de chaque citoyen". Le terme en lui même est apparu dans les années 1920 et a désigné dans les années 30 un mouvement politique mené essentiellement par des ingénieurs américains, qui au plus fort de la Grande Dépression prônait la refondation des systèmes politique et économique sur des principes et selon des méthodes scientifiques rigoureuses. Rappelons toutefois que de tout temps, les décideurs se sont appuyés sur les conseils des experts, en particulier dans les domaines relevant de la guerre, de l'administration économique et financière, et de l'organisation de la  justice ou encore de la production agricole.

Déjà, dans la Grèce antique, Platon proposait que le gouvernement soit confié aux philosophes, avançant que ces derniers étant rompus au raisonnement complexe et à la manipulation de la logique, ils seraient les mieux à même de prendre des décisions éclairées dans l'intérêt de leur Cité. En cela, on peut y voir une première forme de technocratie. Platon soutenait même que le peuple ne sait pas véritablement ce qui est bon pour lui, et il aurait besoin par conséquent d'être gouverné par l'expert qui lui sait.

Au XVIème siècle, le philosophe Francis Bacon, dans son utopie "La nouvelle Atlantide", propose qu'un collège de savants forts de leur clarté d'esprit forgée par la connaissance des mécanismes de la nature et des moyens techniques de la maîtriser, conseille le gouvernement pour assurer la richesse et la puissance de la nation.

Dans nos sociétés contemporaines, force est de constater que l'inextricable complexité du réel, alimentée par la mondialisation et le progrès scientifique et technique, pousse fatalement les hommes politiques à graviter autour des élites scientifiques à techniques, cherchant auprès d'eux des clés de compréhension et des leviers pour parvenir à agir rationnellement sur le réel.

Mais cet usage légitime de l'expertise se heurte à un défaut de légitimité couplé à un soupçon de connivence entre politiques et hauts fonctionnaires et autres experts qui donnent parfois l'impression d'utiliser la complexité comme un moyen pour garder le pouvoir et le confiner au sein d’une élite de membres issus des mêmes milieux sociaux, qui se cooptent sans jamais être responsables vis-à-vis du peuple. Parce que nous vivons dans un monde complexe, les choix politiques devraient rester dans les mains d’une élite formée à la complexité et apte à prendre seule les décisions pour le peuple. Par conséquent, l'avis de l'expert n'est plus pris comme argent comptant par les citoyens.

Appelés à prendre en main leur destins, les peuples revendiquent vis-à-vis des experts et des élites le droit d'être informés, consultés, et surtout le droit d'exprimer leur opinions sur toutes les questions politiques. Or, les experts et parfois les politiques qu'ils entourent et conseillent donnent tout simplement l'impression qu'ils considèrent que le peuple serait incompétent et incapable d’opinion politique sur les grandes questions qui touchent le monde moderne (en cela, ils sont les dignes héritiers de Voltaire qui réservait l'exercice du pouvoir à une élite éclairée). En voulant convaincre sans devoir débattre, les hommes politiques se dispensent ainsi de prendre certaines responsabilités proclamant des obligations de choix imposés par les experts ou par les processus administratifs ou financiers.

Outre cette question de légitimité, l'autre raison ayant conduit à la montée de la défiance envers les experts est la multiplication des cas de conflits d'intérêts,et plus généralement l'opacité des relations entre décideurs politiques et lobbies marchands..Sans surprise, les secteurs hautement régulés, où par conséquent le pouvoir politique est le plus prégnant, sont les plus touchés : Santé et industrie pharmaceutique, Transports , Energie et ressources minérales..mais aucun secteur n'est en reste.

Comment faire alors pour (ré)concilier le débat politique et l'indispensable expertise ? D'abord, lutter contre les sources de la défiance envers la technocratie : 1) transparence de l'articulation entre la décision et l'action politiques et sa légitimation par le savoir de l'expert, 2) diffuser la connaissance scientifique et technique et expliquer ses limites, ses zones d'incertitude, et 3)  casser le monopole du discours du savoir de la "technostructure officielle" et instituer "une contre-expertise" organisée par la société civile. Et cela pour sauver l'essentiel de la mission de la technocratie étatique : civiliser les passions collectives grâce au recours à la Raison.

mardi 13 décembre 2016

Qu'est-ce qu'une société juste?

https://www.franceculture.fr/conferences/acteurs-de-leconomie-la-tribune/etre-juste?actId=ebwp0YMB8s0XXev-swTWi6FWgZQt9biALyr5FYI13Op6yIYKvr5MQXMYwDcEIL8v&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=687833#xtor=EPR-2-[LaLettre19102021] Après avoir avec -brièvement- abordé les questions des inégalités du système éducatif en France, et la révolte des peuples britannique et américain contre le sentiment d'être abandonnés sur le chemin de l'équité et du progrès par les élites, il me paraît opportun d'essayer de prendre un peu de recul face à au sentiment qui me paraît le mieux partagé par les laissés pour compte du système scolaire français d'une part, et les perdants anglais et américains de la mondialisation : l'injustice sociale.

Le thème de la justice sociale me paraît d'autant plus pertinent à aborder à l'approche d'importantes élections en France et en Allemagne, où ce thème fera sans doute l'objet d'âpres débats. Il se cache en effet souvent derrière un vaste registre de propositions politiques pouvant sembler de prime abord purement "techniques" : réforme de la fiscalité, revenu universel, réduction des déficits publics, réforme de l'école, du système de santé, accueil des migrants, aménagement urbain, soutien à l'agriculture, transformation numérique et précarisation du travail, et j'en passe..

Chaque prétendant ira de ses propositions sensées restaurer la justice sociale, ou du moins l'idée qu'il s'en fait selon sa sensibilité politique. Si l'on peut se féliciter dans les sociétés démocratiques que la question de la justice sociale soit devenue si centrale dans le débat politique, il me paraît utile d'essayer de comprendre ce que recouvre cette notion, afin qu'en tant que citoyen chacun puisse choisir parmi les propositions politiques qui lui seront proposées celles qui s'accordent le mieux avec ses valeurs, en s'étant efforcé de comprendre ce qui sous-tend dans la théorie telle ou telle proposition, et ainsi mieux comprendre pourquoi elle lui semble séduisante.

Ma dernière dissertation philosophique étant désormais très lointaine et n'étant pas du tout un spécialiste des sciences sociales, ce billet n'a aucune autre prétention que de partager le fruit d'un modeste mais réel effort personnel (qui passe essentiellement par la lecture) de comprendre les grands courants d'idées qui à travers les âges n'ont cessé de questionner cette très ancienne question : qu'est-ce qu'une société juste? A notre époque moderne, cette question connaît des ramifications infinies : politique, économie, fiscalité, aménagement urbain, accès aux soins, entreprise, mondialisation, transferts générationnels, etc..

Force est de constater que bien que la préoccupation de justice soit largement répandue au sein de la société, elle n'est pas pour autant un facteur de concorde, mais plutôt de division.

Et pour cause : si la notion d'égalité est assez intuitive d'un point de vue juridique, elle l'est beaucoup moins d'un point de vue social : déterminer ce qui est juste ou injuste socialement nécessite de définir d'abord clairement la limite entre la liberté individuelle (une société juste ne peut se fonder que sur la défense de cette liberté ) et l'égalité entre tous (car l'exigence de justice sociale est d'abord une exigence d'égalité).

Or, si le critère d'égalité juridique fait consensus, les sociétés humaines d'en doivent pas moins composer avec les inégalités naturelles d'une part (handicap de naissance, constitution physique, talents, etc..), et les inégalités économiques et de position sociale (ce que l'on peut appeler la condition sociale).

Les questions fondamentales qui se posent alors : comment la société doit-elle prendre en compte les inégalités naturelles ? Constituent-elles une négation de l’idée de justice sociale, et la société doit-elle les combattre, ou bien toute tentative en ce sens doit-il être considérée comme une limitation à la liberté individuelle de jouir de son talent différenciant (mais alors comment définir et mesurer le "mérite individuel") ? Et les inégalités de conditions sociales sont-elles les conditions de l’injustice que toute société devraient viser à réparer ? faut-il chercher à égaliser les ressources matérielles?

Selon le philosophe Ecossais David Hume, non seulement on ne peut pas instaurer une égalité parfaite entre les hommes, mais si on tentait de le faire, cela aura des conséquences politiques et économiques négatives. Ses arguments sont les suivants :

  • L’égalité parfaite est impossible. Les hommes sont naturellement inégaux, du fait de leurs qualités personnelles différentes : ils n’ont pas les mêmes compétences, ni le même goût pour le travail. À supposer qu’ils aient les mêmes possessions initialement, des inégalités apparaîtront nécessairement au cours du temps.
  • L’égalité parfaite est contre-productive. L’égalitarisme conduit, malgré lui, non pas à éradiquer la pauvreté, mais à la propager, ce qui est paradoxal. L’égalité parfaite, si elle existait, créerait un nivellement vers le bas. On aurait une société homogène qui ne travaille pas, qui ne crée aucune richesse, et donc n’évolue pas. Les ressources globales ayant diminué, la pauvreté se généralise.
  • L’égalité parfaite est une menace pour la liberté. Si l’égalité parfaite existait, elle supposerait un contrôle permanent des individus, pour éliminer la moindre inégalité entre eux. Il faudrait donc instituer un pouvoir fort, autoritaire, capable de contrôler les individus dans leurs moindres faits et gestes, pour les soumettre à une norme identique pour tous.
  • La recherche de l’égalité parfaite aboutit à une contradiction. Hume remarque enfin qu’un tel pouvoir serait, non seulement ruineux pour les libertés individuelles, mais contradictoire, car il créerait, au nom de l’égalité, une inégalité majeure entre les citoyens. Il faut, en effet, que certains aient le pouvoir de contrôler les autres.
Ce à quoi Rousseau répond qu'il ne s’agit pas d’instaurer une « égalité parfaite » qui uniformiserait la société, mais de limiter par les lois, autant que possible, les inégalités, car sans une certaine égalité, « la liberté ne peut subsister ». De quelle égalité s’agit-il ?  L’égalité à promouvoir est d’abord juridique et politique. Pour Rousseau, comme pour les démocrates athéniens, égalité et liberté sont inséparables. Mais il ne faut pas non plus négliger les conditions matérielles. Si un individu n’a rien, comment pourrait-il être libre ? Il a beau avoir les mêmes droits que les autres : il devra « se vendre » pour survivre. Pour Rousseau, Il s’agit, non pas d’uniformiser, mais de rapprocher les « degrés extrêmes » pour éviter une domination des plus riches sur les plus pauvres (état de tyrannie). 

Mais alors, comment empêcher que les inégalités économiques se creusent? Est-ce à l'Etat d'intervenir pour redistribuer les richesses? Est-il légitime de taxer les riches pour donner aux pauvres? C'est là où deux camps philosophiques et politiques principaux s'affrontent : 
  • Les sociaux-démocrates : Ils estiment qu'il faut lutter contre les inégalités parce que la plupart sont injustes. ils postulent que le sort des individus n’est pas déterminé seulement par leur travail ou par leur mérite, mais avant tout par leur naissance : c'est ce qu'ils appellent le déterminisme social. Pour le combattre, les plus radicaux visent à égaliser les fortunes, et les plus modérés, à égaliser au moins les chances de réussite des individus.
  • les libéraux : ils considèrent que les inégalités sont justes lorsqu'elles sont le résultat d’une concurrence loyale. Or, le hasard social fait que certains partent avec des avantages indus. Ils admettent qu'il faut donc neutraliser l’impact de l’origine sociale : à talents équivalents, les individus doivent pouvoir atteindre des positions équivalentes, selon leur principe d'efficacité : l’égalité des chances rend la société non seulement plus juste, mais aussi plus efficace. Elle permet de placer aux postes les plus importants les hommes les plus compétents
La réponse du grand théoricien contemporain de la justice John Rawls, tente de concilier les deux points de vue, tout en s'attachant à définir plus rigoureusement les "principes de justice" fondant une société juste (qui par définition ne sacrifierait ni les pauvres -reproche qu'il fait aux libéraux- ni les riches -reproche qu'il fait aux sociaux-démocrates).

Rawls s'inscrit dans la lignée de Kant, mais refuse l’utilitarisme : tous les êtres humains sont des personnes dignes de respect. et il faut les traiter comme une fin, et non comme moyen. Il constate cependant que les hommes divergent de façon irréconciliable sur la nature du juste et de l’injuste, car ils sont toujours partiaux (cad que leur réponse dépend de leur intérêts et idéaux individuels). Il propose, partant de là, une méthode théorique pour découvrir les « principes de justice », en faisant abstraction des intérêts personnels des uns et des autres. Il recourt pour cela à une fiction théorique : "la position originelle"
1. Les individus sont placés derrière un « voile d’ignorance » : ils ignorent chacun leur situation sociale et leurs intérêts individuels. 
2. Puisque les individus sont égaux dans l’ignorance de leurs intérêts individuels, et face à l’incertitude, la situation est « équitable » . 
3. Les principes choisis par les individus, dans une telle situation, seront donc justes (moyennant un présupposé de rationalité individuelle). 

Selon Rawls, des individus rationnels, face à l’incertitude, adopteraient finalement la même stratégie : celle du « MAXIMIN ». Elle consiste à maximiser ce qu’on obtient dans la position minimale, c’est-à-dire la plus défavorable. Les « principes de justice » établis dans la « position originelle » veilleront donc à ce que les individus frappés par la malchance puissent néanmoins trouver leur situation acceptable.

Cet idéal théorique d'élaboration des principes de justice sociale n'est bien entendu pas applicable. Dans la réalité, un des problèmes pratiques les plus difficiles à surmonter est d'arriver à mesurer précisément le mérite individuel de chacun, en particulier dans une configuration sociale où personne ne travaille seul sans contribution des autres (d'où la récurrence du débat sur la rémunération des grands patrons par ex..)

En résumé, si la notion d’égalité est problématique, c’est parce qu’elle est ambiguë. Elle peut se décliner à différents niveaux : 1) au niveau moral (égalité des personnes) 2) au niveau juridique (égalité devant la loi) 3) au niveau politique (égalité dans l’exercice du pouvoir) 4) au niveau économique et social (égalité des chances, égalité des ressources matérielles). 

Cette problématique devient encore plus complexe lorsqu'on la pose non pas au niveau d'une société nationale, mais à l'échelle de l'ensemble des sociétés humaines (inégalités nord-sud,etc..)

On peut débattre pour savoir quels "indicateurs" il faut égaliser, et jusqu’où il faut aller dans l’égalisation. Une « égalité parfaite » n’est, en tout cas, ni possible ni souhaitable. Il n’en reste pas moins qu’une société qui comporte de fortes inégalités est précaire, d’autant plus si celles-ci sont perçues comme injustes. Le sentiment de justice est le véritable ciment de la société démocratique. Les récentes "révoltes démocratiques" au UK et aux USA viennent le rappeler avec fracas.

samedi 10 décembre 2016

Brexit, Trump... sommes-nous entrés dans l'ère de la post-vérité?

Deux décisions démocratiques parmi les plus marquantes de la décennie, le vote du Royaume-Uni en faveur du Brexit, et l'élection de Trump, présentent une caractéristique commune: le débat démocratique qui les a précédé, a de l'avis de tous les observateurs, fait la part belle au mépris des faits, aux réactions hystériques sur les réseaux sociaux à une profusion d'intox, et à une défiance généralisée du peuple envers les élites.

Les raisons qui ont poussé les peuples britannique et américain à s'écarter des critères conventionnels de la rationalité face à des choix si importants pour leur avenir respectif ont largement été commentés, disséqués par pléthores de politologues, sociologues, philosophes, historiens, universitaires, économistes, reporters, grandes plumes journalistiques, et j'en passe. J'essaierai de synthétiser dans un billet ultérieur la profusion d'analyses déversées dans les médias et les librairies à ce propos, mais je souhaite en premier lieu aborder ici ce que nombre d'intellectuels ont convenu d'appeler la "post-vérité".

La post-vérité en politique peut se définir comme étant d'une part l'ignorance délibérée des faits par l'homme politique briguant une élection ou un quelconque vote démocratique, et d'autre part la négligence de la vérification des mêmes faits ou tout simplement leur rejet par les votants. Elle s'apparente à un miroir déformant renvoyant non l'image réelle mais celle qu'on a envie de voir. Le terme, bien qu'introduit dès 2004 par Ralph Keyes dans son livre "The Post-Thruth Era", n'a attiré l'attention des médias et du grand public qu'avec les coups de tonnerre successifs du Brexit et de l'élection de Trump, au point que le dictionnaire d'Oxford en a fait le mot de l'année 2016.

Le mécanisme sous-jacent repose sur le fait d'exciter les préjugés et les intérêts particuliers chez l'électeur, par ailleurs exaspérés par l'arrogance de l'establishment. Face à un monde extraordinairement complexe, les préjugés et les théories du complot offrent l'immense confort de servir des explications simples et prêtes à consommer et laissent donc les émotions (colère, peur, ressentiment) prendre le pas sur l'analyse raisonnée en matière de formation de l'opinion. L'échange fictif suivant illustre parfaitement ce mécanisme insidieux.

Pourtant, comme le rappelle Michel Volle "On croyait au XIXe siècle qu'il suffirait de généraliser l'accès aux études pour que la démocratie s'épanouisse : cela n'a pas empêché l'Allemagne de céder dans les années 1930 aux séductions que l'on sait, alors qu'elle était un des pays les plus éduqués" 

Les réseaux sociaux ont une part de responsabilité substantielle en cela qu'ils colportent toutes sortes de rumeurs, de peurs et de mensonges. Comme l'a très bien dit Hubert Védrine "Il s’agit juste d’un café du commerce global. Sauf qu’autrefois dans les troquets du village, les gens connaissaient l’idiot et l’alcoolique du coin ! Là personne ne sait qui est qui et cela permet de véhiculer les pires horreurs, la pire désinformation, d’autant plus que les moteurs de recherche sont incapables de faire le tri".

A y regarder de plus près cependant, je ne pense pas que l'entrée dans l'ère de post-vérité signifie nécessairement et définitivement que tout recours à la raison en démocratie pour s'accorder sur les faits les plus basiques ne soit plus possible : je pense qu'il traduit d'abord une réaction épidermique des masses contre, non pas la vérité en elle-même, mais les élites politiques et médiatiques qui n'ont fait qu'asséner leurs soit-disant vérités au mépris du vécu des peuples.

Pour finir sur une note positive, il faut espérer pour le salut de la démocratie que le souffle de l'émotion retombe (peut-être sera-t-il aidé en cela par la déception que ne manqueront pas de provoquer les nouveaux leaders arrivés au pouvoir sur un lit de mensonges), et que les élites tirent toutes les leçons qui s'imposent quand à leur responsabilité dans cette série de déconvenues historiques.

jeudi 8 décembre 2016

Que penser de l'état de l'école en France à la lumière des enquêtes internationales?

Comme à chaque publication de résultats d'une enquête internationale significative sur les performances scolaires des élèves français relativement à ceux de pays comparables, une vague médiatique envahit le pays, qui dure rarement plus de 3 jours.

Les dernières enquêtes en date, PISA (réalisée par l'OCDE) et TIMSS, montrent, deux tendances inquiétantes : la chute des performances des élèves français en moyenne en sciences et mathématiques, et le creusement des inégalités. Je ne vais pas retranscrire ici les résultats détaillés de ces enquêtes, largement commentés par les médias, et disponibles sur internet.

Comme de nombreux parents, je m'interroge sur les raisons derrière ces contre-performances, et sur les réformes susceptibles d'en inverser la tendance. Comme beaucoup, rien ne m'exaspère plus que les responsables politiques qui attribuent l'entière responsabilité de ce terrible échec au camp d'en face.

N'étant pas un spécialiste du sujet mais désireux de comprendre les failles de l'univers scolaire dans lequel vont évoluer mes enfants, je me suis efforcé d'exercer mon jugement en ingurgitant divers écrits plus ou moins récents sur les grandes réformes des 30 dernières années dans l'éducation nationale, les débats des spécialistes des sciences de l'éducation, praticiens, journalistes et commentateurs de tout poil.

Bien évidemment, je me doutais bien avant de plonger dans ces lectures de la grande complexité du sujet (vous noterez que cette phrase reviendra probablement dans tous mes futurs billets, je ne vous apprends rien en affirmant que notre monde génère de plus en plus de complexité, et je compte bien d'ailleurs consacrer un billet à ce sujet en particulier). Je ne m'y suis pas trompé : on trouve dans le lot des commentateurs des spécialistes tout aussi crédibles identifier des causes contradictoires et prôner des solutions opposées.

Une partie de ces contradictions tient à la diversité des idéaux politiques des commentateurs : pour certains, l'égalité des chances devant le système scolaire est l'objectif suprême à atteindre, alors que pour d'autres, il faut à tout prix hausser le niveau moyen pour affronter une concurrence internationale exacerbée même si cela s'accompagne d'une segmentation des performances des élèves. Les premiers ont prôné par exemple l'instauration du collège unique alors que les seconds cherchent à tout prix à en sortir. Cette confrontation n'est que le volet éducatif de l'opposition fondamentale en politique entre deux conceptions majeures de la justice sociale, commentée dans ce billet.

Naturellement, les résultats d'un système scolaire ne peuvent se mesurer et s'apprécier qu'à l'aune des objectifs stratégiques assignés par les responsables politiques (censés représenter les préférences d'une majorité des citoyens) : transmettre un savoir au plus grand nombre ou préparer/former à exercer un métier? amener à maîtriser des connaissances ou des compétences? offrir la même éducation à tous ou trier et spécialiser les élèves en fonction de leurs performances et facilités, etc..Pour un résumé de la longue succession de réformes, ajustements et mesures diverses adoptées par l'éducation nationale depuis 1974, se reporter à cette synthèse.

Pour ma part, en m'efforçant à exercer mon jugement de non spécialiste notamment pour apprécier ce qui a fait le succès des pays ayant connu les plus fortes progressions dans les classements successifs, un point m'interpelle en particulier : le fait que même les meilleurs écoliers français en mathématiques sont en retrait par rapport à ceux des pays les plus performants (dragons asiatiques en tête : Singapour, Taïwan, Hong Kong et Corée du Sud). Cela m'amène à penser qu'une des causes principales des mauvaises performances françaises est à chercher du côté de la faible exigence des programmes et des "innovations" pédagogiques appliquées depuis 20 ans en France. un exemple concret : il y a 15ans, les vecteurs étaient enseignés en quatrième, ils sont ensuite passés à la troisième, puis à la seconde. La réforme du collège a fait passer le volume horaire d'enseignement des mathématiques en troisième à 3h30, soit moins que les 4h dévolues à l'EPS!

Cette baisse d'exigence trouvent ses origines selon moi dans l'instauration du collège unique dans les années 70, lorsque le mouvement des "pédagogistes" a estimé par exemple que pour aider les plus défavorisés, il fallait revoir les programmes de mathématiques pour se défaire des abstractions, et ainsi "donner du sens" à cette discipline ! l'idée politique derrière est une interprétation des thèses socio-constructivistes de Bourdieu selon laquelle les plus défavorisés sont discriminés par les abstractions pour lesquelles ils ne sont pas "équipés"! Le sophisme sous-jacent à cette conception du rôle politique de l'éducation pour soi-disant limiter les inégalités est qu'en baissant le niveau d'exigence générale, les résultats seraient plus homogènes et donc moins inégalitaires...le résultat plus de 30 ans après est que les inégalités explosent au contraire comme vient de le pointer une nouvelle fois la dernière étude PISA! 30 années de "pédagogisme" ont également dramatiquement abaissé le niveau des professeurs..

La confrontation entre tenants et opposants du pédagogisme est interprétée par certains comme étant une facette parmi d'autres du clivage entre modernistes (promoteurs de nouvelles méthodes pédagogiques ayant dérivé en pédagogisme) et conservateurs (qui ne reconnaissent à l'école qu'une mission de transmission des savoirs établis), mais je ne peux m'empêcher de trouver déplorable que l'institution la plus importante de la nation soit prise en otage au milieu de cette confrontation idéologique, au mépris des résultats sur le terrain : comme le rappelle l'historien Jacques Julliard dans cette interview, "Lorsque Stanislas Dehaene, professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France, démontre que le seul apprentissage efficace de la lecture est la méthode syllabique, fait-on le bilan des aberrations qui font que près d’un quart des élèves de 6e ne savent pas lire couramment ? Non. Circulez, il n’y a rien à voir !"

Je ne jette pas la pierre aux pionniers du pédagogisme -qui étaient sincèrement persuadés d'aller dans le sens du progrès- d'avoir milité pour que leurs idées soient expérimentées, mais à leurs héritiers intellectuels d'avoir, par arrogance intellectuelle refusé de prendre en compte les multiples signaux défavorables en matière de performances scolaires au fil des décennies, et de s'être accrochés aux dogmes des "sciences de l'éducation" influence soixante-huitarde. Victimes d'une expérience pédagogiste similaire à celle de la France pendant une décennie, les Québécois ont en fait le bilan (tout aussi négatif qu'en France : baisse de niveau et accroissement des inégalités) dans une étude scientifique rigoureuse et ont décidé d'abandonner le dogme sans plus d'états d'âmes.

Alors de grâce, n'attendons pas que le potentiel de générations entières de jeunes soit gâché pour abandonner une expérience qui n'a que trop duré! Note d'espoir : Philippe Meirieu, le pape des pédagogistes, a amorcé, dans une interview au Figaro, son mea culpa : "Dans mon dernier livre, Des enfants et des hommes (ESF éditeur), je plaide pour l'étude systématique de la littérature classique. C'est la culture fondamentale de l'humanité. Je n'ai pas toujours pensé comme ça, je le reconnais. Les pédagogues. dont je fais partie, ont commis des erreurs. Il y a quinze ans, par exemple, je pensais que les élèves défavorisés devaient apprendre à lire dans des modes d'emploi d'appareils électroménagers plutôt que dans les textes littéraires. Parce que j'estimais que c'était plus proche d'eux. Je me suis trompé. Pour deux raisons : d'abord, parce que les élèves avaient l'impression que c'était les mépriser ; ensuite, parce que je les privais d'une culture essentielle. C'est vrai que, à l'époque, dans la mouvance de Bourdieu, dans celle du marxisme, j'ai vraiment cru à certaines expériences pédagogiques. Je le répète, je me suis trompé.
Vous admettez donc que l'école actuelle paye les expériences postsoixante-huitardes ?
Possible. Il y a des gens qui se sont parfois entêtés dans des voies qui n'étaient pas les bonnes."

mercredi 7 décembre 2016

Billet inaugural

Encore un blog me diriez-vous? que peut-il bien apporter de neuf ou d'original dans une blogosphère saturée ?

Rien de fondamentalement original. Comme son nom ne l'indique pas forcément, ce blog se veut le réceptacle des cogitations d'un contemplatif, et un support -je l'espère- à des échanges d'idées, sur des thèmes, problématiques, questions et faits d'actualité variés. Voici en vrac quelques uns des thèmes que j'espère (les bonnes résolutions de fin d'année arrivent un peu tôt cette année) avoir le temps de commenter :
  • économie et philosophie politique : histoire des idées, grandes questions, liens avec la situation socio-politique de l'occident (1)(2)(3)(4)
  • Histoire et perspectives de la mondialisation (1)(2)
  • pour une vie éthique (1)(2), lien entre éthique et religion, différence entre éthique et morale (1)
  • transition énergétique
  • Le changement climatique
  • l'école (1)(2)
  • Systèmes politiques, sources de légitimité du pouvoir (1)(2)
  • Rôles des élites et leur reproduction (1)(2)(3)(4)(5)(6)
  • Essor de la Chine (1)
  • Complexité du monde (1)(2)(3)(4)(5) et théorie de la complexité
  • Systèmes de valeurs (1)
  • Management, théorie et pratique des organisations (1)(2)(3)
  • l'éducation idéale (1)
  • Science (1), sagesse (1)(2), croyance, et vérité (1), histoire des idées (1)(2)
  • Internet
  • Libéralisme (1)(2)(3), marché (1)(2), justice sociale (1)(2), finalités de l'entreprise (1)
  • Théories du complot
  • Psychologie et relations interpersonnelles
  • Histoire (1)
  • Philosophie (1)(2)(3)(4)(5) et métaphysique
  • Leadership (1)(2)
  • Le populisme (1)(2)
  • méditations sur les religions, leur histoire (1) et leur permanence
  • Actualité politique (1)
  • Naissance et déclin des empires (1)(2), impérialisme
  • méditations sur le bonheur
  • Laïcité et sécularisme (1)
  • révolution numérique (1)
  • Droit et Justice (1)
  • Vie et actualité des entreprises, aventures entrepreneuriales
  • Diplomatie et rapports de forces géopolitiques (1)
  • destruction créatrice, impacts socio-économiques et politiques de la de révolution numérique (1)(2)
  • Terrorisme
  • Vie de couple
  • rôle et responsabilité des intellectuels dans la cité (1)
  • révélations de Snowden, guerres et outrances des services de renseignement
  • prédation économique des USA, extra-territorialité de la justice US, puissance du dollar
  • domination des GAFA et puissance de l'éco-système de la Silicon valley (1)
  • Excès du capitalisme (1)(2)(3)(4) et sa régulation
  • Grands hommes
  • Concurrence et oligopoles
  • Capitalisme financier (1), shadow banking
  • responsabilité sociale des entreprises (1)
  • Méditations sur la nature humaine (1)(2)(3)
(liste non exhaustive et sans ordre particulier)

Je ne me prétends pas spécialiste d'aucun de ces sujets, mais souhaite simplement partager mes vues de citoyen questionnant le monde autour avec d'autres esprits curieux, et susciter quelques débats et échanges.

Dans la vie de tous les jours, je suis cadre dans une multinationale, issu d'une formation d'ingénieur. Je gagne mon pain en tant que spécialiste des systèmes d'information. Fasciné dans ma jeunesse par les esprits encyclopédiques qui ont jalonné l'Histoire des sciences et des idées (que je ne prétends aucunement égaler), je m'efforce depuis de ne pas me laisser enfermer dans mes spécialités en cultivant ma curiosité tout azimut..

Cela constituera, je dois l'avouer un challenge pour le perfectionniste que je suis de coucher sur papier virtuel le fruit de mes vagabondages intellectuels, étant à la fois très occupé (boulot exigeant + enfants en bas âge) et très curieux de nombreux sujets.

Enfin, je m'efforcerai de montrer les liens et zones d'intersections entre ces thèmes, dans ce qui doit être vu comme une modeste tentative d'identifier quelques concepts communs  (du moins selon ma perception) à des champs de connaissances qui peuvent apparaître à première vue totalement disjoints.

Bonne lecture, et n'hésitez pas de laisser vos commentaires !