jeudi 16 février 2017

Une instruction idéale pour le XXIème siècle

Dans un monde d'une effarante complexité, force est de constater qu'une solide instruction, traditionnellement sanctionnée par un parchemin universitaire, reste considérée comme l'outil le plus sûr pour naviguer le tumultueux océan de la vie, et ses imprévisibles tempêtes.

Mais la quête d'un diplôme reconnu, qui relève à mon sens d'abord d'une stratégie individuelle sinon familiale pour la conquête ou la conservation d'une position sociale désirable, ne doit pas être confondue avec la quête de sagesse, dont une définition commune est la conscience de soi et des autres, la tempérance, la prudence, la sincérité, le discernement et la justice s'appuyant sur un savoir raisonné, bref la conduite de sa vie conformément à une éthique et au questionnement raisonné.

D'évidence, ni une solide instruction ni le plus prestigieux des diplômes ne garantissent ni ne sont indispensables si son objectif de vie se résume à la conquête d'une position sociale, en particulier si on place la fortune en tête de liste des attributs désirables dans la position convoitée. Après tout la fortune peut s'acquérir pour le prix d'un billet de loterie. On peut même affirmer sans exagérer que sur le chemin de la fortune, la Vertu fait office de boulet aux pieds. Ce n'est pas le parcours de l'homme le plus puissant du monde ni la cupidité de l'élite des affaires qui vont contredire ce triste constat.

Si la quête de la sagesse a toujours été un parcours sans fin, semé d'embûches et émaillé de sentiers d'égarement, c'est pour moi la plus noble des quêtes qu'un individu puisse entreprendre, et comme tout ce qui est noble et précieux en ce monde, sa quête est un chemin de crête.

Mais alors, pourquoi s'obstiner dans une telle quête? Tout simplement parce l'on ne choisit pas sa passion, c'est plutôt elle qui nous choisit : de la même manière que certains sont habités par la soif de pouvoir, d'autres par celle de l'argent, ou encore celle de la gloire ou de la célébrité, quelques "malheureux" sont habités par un impérieux besoin de comprendre, même en sachant d'avance que la quête de connaissance et de sagesse est sans fin.

Heureusement, comme beaucoup d'animaux politiques ou encore de capitaines d'industries ont en témoigné, c'est leur quête même qui leur a procuré le plus de plaisir, et selon les mots de certains "une intense sensation d'être pleinement vivant", plutôt que la gratification de la réussite, incertaine et souvent éphémère. De même, quiconque a expérimenté le plaisir de la découverte, la délectation de la compréhension même de petits mystères de la vie et de l'univers, saura en convenir : ces petites mais intenses satisfactions valent bien la peine voire le désarroi de ne pas comprendre ou la peur de s'égarer en chemin.

Mais alors, quelle instruction l'honnête homme doit-il acquérir ou prescrire à ses enfants, face à l'océan des savoirs disponibles (dont une somme incroyable à portée de clic), des sagesses léguées par les civilisations passées, de spiritualités, et de témoignages des illustres? La réponse est forcément subjective (c'est le concept même du blog qui veut cela après tout ;-) ) et ma conviction est que la maîtrise technique ne suffit pas à insuffler du sens et que seule une solide culture générale permet d’asseoir le type de réflexion de fond que la quête de sens exige.

Il s'agit bien ici d'instruction au sens de la transmission des savoirs et de la formation intellectuelle, et non d'éducation, sujet bien plus vaste et qui mérite -au moins- un billet dédié, car il englobe en plus de la transmission des savoirs celle des valeurs, ainsi que l'éveil spirituel .

La formation intellectuelle idéale selon moi se façonne tout au long de la vie, même si ses fondements sont jetés dès l'enfance et jusqu'à sa jeune vie d'adulte. Je ne m'attarderais pas sur la transmission des savoirs fondamentaux que sont la lecture et l'écriture, le langage, le calcul, sans lesquels aucun édifice de savoir ne peut tenir.

Elle repose sur les 4 piliers suivants :
  • l'art de communiquer : par la maîtrise des langues, de la rhétorique, de la dialectique, de l'éthique de la compréhension
  • l'art de raisonner : par la maîtrise de la logique, l'étude de la nature de la connaissance (épistémologie, philosophie des sciences), de ses limites et ses cécités (l'erreur, l'illusion et l'incertitude), notamment à travers les sciences cognitives et la philosophie. 
  • l'étude des lois fondamentales du monde physique : Mathématiques, physique, chimie, sciences de la vie, sciences de la terre et du climat, astronomie, étude de leur histoire, et de leurs applications technologiques.
  • l'étude de l'individu et des collectivités et sociétés humaines : étude  la psychologie, sociologie, ethnologie, anthropologie, de l'Histoire et de sa philosophie, de la vie, oeuvre et témoignages des grands hommes (notamment à travers les anthologies), des sciences morales et politiques, des sciences économiques, des systèmes juridiques, des sciences de l'organisation et de gestion, des systèmes philosophiques, moraux et éthiques, des civilisations et cultures, des systèmes spirituels et religieux et leur philosophie.
Vous l'aurez compris, un esprit bien formé est d'abord selon moi un esprit généraliste aspirant aux vertus, conformément à mon idéal de l'esprit encyclopédique hautement vertueux (qui n'est autre qu'un esprit généraliste ayant poussé suffisamment loin la maîtrise des 4 piliers décrits ci-dessus, et s'exerçant à atteindre un idéal de Vertu). Nulle sagesse ne peut être construite sans une solide culture générale comme fondement : "seul le sage ne cesse d’avoir le tout constamment à l’esprit, n'oublie jamais le monde, pense et agit par rapport au cosmos" (Bernard Groethuysen).

Mais nul besoin d'être un intellectuel professionnel ou un érudit exceptionnel doublé d'un saint pour tendre vers cet idéal : il suffit "juste" de ne jamais cesser de cultiver sa curiosité et son exigence morale. Après tout, une tête bien faite vaut mieux qu'une tête bien pleine (Montaigne).



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