lundi 20 mai 2024

La désindustrialisation de la France : un naufrage aux multiples causes

Depuis plusieurs décennies, la France assiste impuissante au déclin inexorable de son industrie manufacturière, entraînant avec elle un déclin économique et social sans précédent. Cette érosion du tissu industriel français a des causes profondes et variées, mais ses conséquences sociales, économiques et politiques sont uniformément graves : montée du chômage, insécurité grandissante, échec de l'intégration des immigrés dans certains territoires, augmentation des inégalités, et pression fiscale record pour financer un modèle social devenu insoutenable. 

Si les racines de ce naufrage industriel sont multiples et profondément ancrées dans l'histoire récente, en comprendre les causes est essentiel pour envisager une renaissance industrielle nécessaire au redressement du pays.

Les racines culturelles et politiques

La culture française a longtemps été marquée par une forte influence du communisme, qui a souvent diabolisé dans le débat public le capitalisme et l'initiative privée, et instillé dans la société une culture de la lutte des classes et de la défiance envers les entreprises et le patronat, dont la capacité d'adaptation de l'économie française à la mondialisation a fait les frais. 

Plutôt que de s’ouvrir aux nouvelles règles du jeu économique mondial, le corps social a souvent cherché à préserver ses acquis, au risque de marginaliser l'industrie nationale. Les syndicats, tout en ayant un rôle légitime crucial dans la protection des travailleurs, ont encouragé l'immobilisme, en s'opposant systématiquement aux réformes nécessaires pour rendre les entreprises plus compétitives à l'échelle mondiale. Cette attitude contre-productive a freiné l'adaptation des fleurons industriels nationaux face à la concurrence étrangère.

Ensuite, la société française dans son ensemble a montré une résistance farouche à embrasser la globalisation économique d'inspiration anglo-saxonne. Méfiance vis-à-vis du libéralisme, corporatismes et lobbyings divers ont longtemps constitué un terrain hostile aux restructurations et innovations nécessaires. Plutôt que de s’ouvrir aux nouvelles règles du jeu économique mondial, la France a souvent cherché à préserver ses acquis, au risque de se marginaliser.

Des considérations environnementales, certes légitimes, ont également été instrumentalisées pour freiner l'essor de certains secteurs clés. L'indispensable transition écologique a été souvent mal gérée, avec des politiques parfois punitives et décourageantes pour l'industrie, plutôt que d'encourager une innovation responsable et la modernisation des infrastructures existantes.

Errements de la classe politique et d'une partie des élites économiques

La classe politique a évidemment sa part de responsabilité en ayant mené des politiques économiques contreproductives. L'aveuglement idéologique de certains gouvernements les a conduits à augmenter les charges pesant sur les entreprises industrielles et à les étouffer sous le poids de la complexité réglementaire, au lieu d'encourager l'innovation des PME et de favoriser leur nécessaire compétitivité sur les marchés mondiaux. 

D'autres ont cédé à la tentation de solutions court-termistes comme le soutien artificiel à des canards boiteux industriels au lieu de faciliter leur restructuration ou reconversion. Pour ne rien arranger, le manque de cohérence et de continuité dans les politiques industrielles a créé un environnement instable et peu attractif pour les entreprises.

Cette accumulation d'erreurs stratégiques a lourdement obéré la capacité de l'appareil productif français à se réinventer et à rester compétitif.

Enfin, une partie des élites économiques françaises a cédé à l'illusion funeste d'une tertiarisation "inéluctable" de l'économie nationale. Obnubilées par une vision désindustrialisée et financiarisée de l'avenir qui irait "dans le sens de l'Histoire". En extrapolant à tort des tendances certes décelables dans l'Histoire économique européenne, ces élites ont négligé l'importance vitale du renouvellement permanent de l'outil industriel. Cette vision déconnectée des réalités a contribué à une désastreuse perte de savoir-faire, à la délocalisation massive des usines, et au chômage de masse.

Ce déclin industriel de la France a été bien plus prononcé que dans des pays aux économies pourtant comparables comme l'Italie ou l'Espagne, également confrontées aux défis de la globalisation. Le contraste est encore plus frappant avec l'Allemagne, qui a su préserver et moderniser une grande partie de sa puissante industrie manufacturière. Ce retard désormais abyssal creusé avec les principaux pays voisins, pourtant soumis au même défi de l'insertion dans les chaînes de valeurs mondiales, souligne l'ampleur du désastre industriel français.

La France doit se ressaisir

La réindustrialisation de la France ne sera certainement pas aisée mais n’est pas qu'une utopie; il s'agit d'une nécessité impérative pour assurer au pays un horizon prospère et stable, et conjurer la montée des extrêmes et le délitement du tissu social. Cela demande une prise de conscience partagée, une volonté politique forte, une vision claire, et un engagement collectif dans la durée, autour de profondes et énergiques réformes. 

Devant l'immensité du défi, le peuple français doit renouer avec ce ressort quasi-mystique qui l'a déjà sorti de l'abyme plus d'une fois dans sa longue Histoire, en témoignent : la Renaissance ayant suivi la guerre de Cent Ans, le formidable développement sous Henri IV qui a suivi la promulgation de l'Edit de Nantes, la modernisation économique et sociale majeure suite à la Révolution et aux guerres Napoléoniennes, les années folles et les Trentes Glorieuses qui ont suivi la Première et la Seconde Guerres mondiales, s'il ne fallait citer que les épisodes les plus spectaculaires.

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