L'Histoire jugera : Gaza rasée, l’Occident et les états arabes démasqués

Il fut un temps où l’Occident se voulait porteur d’un message universel. Liberté, égalité, droits de l’Homme : ces mots constituaient une boussole morale, une promesse faite au monde entier. Aujourd’hui, face au drame palestinien, cette promesse s’est muée en trahison. L’Histoire enregistre, et elle jugera.

Depuis le 7 octobre 2023, une spirale de violences d’une brutalité inouïe s’est abattue sur Gaza. Ce qui avait commencé comme une riposte israélienne à l'attaque du Hamas s’est transformé en une campagne de destruction totale, documentée jour après jour par les ONG, les travailleurs humanitaires, les journalistes, et des millions de témoins à travers le monde.

Or, loin de condamner cette descente aux enfers, les démocraties occidentales l’ont permise, armée, parfois applaudie, trahissant leur propre droit, leurs valeurs, et jusqu’à leur humanité.

Gaza, une ville rayée de la carte

Rien ne subsiste de Gaza telle qu’elle était. Des quartiers entiers ont été rasés au bulldozer ou pulvérisés par les bombes. Selon l’ONU, plus de 70 % des infrastructures civiles sont détruites : écoles, hôpitaux, centrales électriques, réseaux d’eau. Les frappes n’ont épargné ni lieux de culte, ni abris désignés par l’ONU. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme parle d’une « destruction indiscriminée, à l’échelle d’une ville ».

L’UNEP estime qu’entre octobre 2023 et avril 2024, les frappes ont généré entre 37 et 50 millions de tonnes de débris, dont des matériaux dangereux, polluant durablement l’environnement et empoisonnant le futur de Gaza

Ce n’est pas une « bavure », mais une politique délibérée : transformer un territoire en champ de ruines afin de rendre la vie impossible.

Les dizaines de milliers de victimes civiles

Les chiffres glacent. Plus de 62 000 Palestiniens ont péri depuis octobre 2023, dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants. Des centaines d'autres sont morts en tentant d'accéder à l'aide humanitaire — plus de 2 000 depuis le début de l’offensive. La mortalité infantile atteint un niveau jamais documenté depuis des décennies. Des familles entières sont effacées des registres. Les morgues débordent, les corps sont enterrés à la hâte, parfois sans identification.

Jamais, depuis la guerre du Vietnam, une telle disproportion n’avait été observée entre cibles militaires et victimes civiles.

Les journalistes et les soignants délibérément ciblés

Journalistes, médecins, ambulanciers, pompiers, travailleurs humanitaires : tous, pourtant protégés par le droit international, sont visés. Plus de 180 journalistes ont été tués — un record mondial, plus que dans toutes les guerres du XXᵉ siècle. Médecins sans frontières, la Croix-Rouge, l’UNRWA dénoncent des attaques systématiques contre leurs équipes.

Le message est clair : faire taire les témoins, briser les soignants, neutraliser ceux qui pourraient sauver ou documenter.

Une famine organisée

La famine à Gaza n’est pas une conséquence collatérale : elle est un instrument de guerre. Les convois humanitaires sont bloqués, pillés ou bombardés. Les stocks de nourriture sont détruits. Les points d’eau sont visés. L’ONU a officiellement déclaré une famine de niveau 5 — le plus élevé — touchant plus de 500 000 personnes.

Les images d’enfants squelettiques rappellent les pages les plus sombres de l’histoire contemporaine.

Le musellement des protestations

Et tandis que Gaza s’éteint, ceux qui crient au scandale sont réduits au silence. Dans les campus américains, les étudiants mobilisés sont arrêtés, radiés, menacés. Des professeurs perdent leur poste. Dans les entreprises, des salariés sont licenciés pour un tweet. Dans les médias, les chroniqueurs critiques disparaissent des plateaux.

Une chape de plomb recouvre l’Occident : on a le droit de pleurer l’Ukraine, pas Gaza.

Les parallèles historiques

Ce qui se déroule aujourd’hui renvoie aux crimes les plus graves du siècle dernier. La destruction systématique d’un territoire rappelle Grozny sous les bombes russes. La famine planifiée évoque le siège de Leningrad ou les famines coloniales. Les déplacements massifs, les bombardements indiscriminés, la punition collective font écho aux pires pages de l’histoire coloniale et des guerres ethniques.

L’Occident complice : le renoncement aux valeurs

Que fait l’Occident face à ce drame ? Rien. Pire : il arme, il soutient, il justifie.

Les États-Unis ont utilisé plus de 40 fois leur veto au Conseil de sécurité pour protéger Israël, y compris contre des résolutions purement humanitaires. L’Union européenne, prompte à sanctionner Moscou, se limite à des communiqués creux. 

En Allemagne, malgré une conscience historique exacerbée, les ventes d’armements et le soutien politique sont restés massifs jusqu’à ce que la pression populaire pousse à suspendre les livraisons.

Au Royaume-Uni, un réveil tardif permet quelques sanctions et une aide symbolique, mais les exportations d’armes perdurent, et le soutien à Israël reste prioritaire pour des calculs géostratégiques.

Le cas français est emblématique. Paris se targue d’être la patrie des droits de l’Homme, la voix de l’universalisme et du droit international. Pourtant, dès les premières heures de l’offensive, le président français a apporté un soutien sans réserve à Israël, légitimant sa « défense » sans la moindre mention des civils palestiniens écrasés sous les bombes. Les appels ultérieurs à « la trêve humanitaire » sont arrivés trop tard, trop timides, et se sont heurtés au refus d’utiliser les leviers diplomatiques et économiques disponibles.

Plus grave encore, la répression du débat en France a atteint un niveau inquiétant : manifestations interdites, militants pro-palestiniens poursuivis, tribunes censurées. Dans les médias, l’équilibre apparent masque une ligne éditoriale qui assimile toute critique d’Israël à de la complaisance envers le terrorisme. En prétendant protéger la liberté d’expression, la République en piétine le principe fondateur.

Or, la France disposait d’un rôle particulier : puissance membre permanent du Conseil de sécurité, héritière d’une tradition diplomatique indépendante, elle aurait pu devenir une voix forte pour exiger la protection des civils et le respect du droit international. Elle a choisi au contraire de s’aligner sur Washington et de se retrancher derrière un soutien aveugle à Tel-Aviv.

C’est une abdication historique, qui pèsera longtemps sur la crédibilité française auprès du monde arabe, du Sud global, et même de ses propres citoyens.

Or, pour les démocraties occidentales, des leviers existent :

  • Politiques : la suspension d’accords bilatéraux, la reconnaissance de l’État palestinien.

  • Diplomatiques : l’isolement d’Israël dans les instances internationales.

  • Légaux : la saisine systématique de la Cour pénale internationale.

  • Économiques : l’embargo sur les armes, les sanctions commerciales.

Ces leviers sont actionnés contre la Russie, contre l’Iran, contre d’autres régimes. Mais jamais contre Israël.

Cette hypocrisie disqualifie l’Occident.

Médias occidentaux : de la complaisance à la complicité

On se souvient des titres indignés sur Marioupol, des unes bouleversées sur Boutcha. Mais à Gaza ? Silence, relativisme, symétrie artificielle.

Les rédactions reprennent les éléments de langage israéliens, minimisent les chiffres palestiniens, effacent les témoignages. Les journalistes sur place, pourtant massacrés par dizaines, sont dépeints comme « militants ».

Et quand des voix s’élèvent, elles sont marginalisées, accusées d’antisémitisme, invisibilisées.

Les images insoutenables de la famine à Gaza, largement diffusées sur TikTok et autres réseaux, ont même été jugées trop subversives, menant à une tentative américaine de censurer la plateforme sous couvert de sécurité — afin d’étouffer les mobilisations pro-palestiniennes.

Le traitement médiatique de Gaza constitue l’un des plus grands échecs éthiques de la presse occidentale depuis la guerre d’Irak.

L’hypocrisie arabe

Si l’Occident a trahi ses principes, le monde arabe, lui, a trahi ses frères.

Depuis plus de sept décennies, les capitales arabes martèlent leur soutien « indéfectible » à la cause palestinienne. Pourtant, quand Gaza s’est retrouvée sous un déluge de feu, quand des centaines de milliers de civils suppliaient d’ouvrir une brèche pour fuir la famine et les bombes, le rideau d’hypocrisie est tombé.

Les monarchies du Golfe ont multiplié les communiqués, les déclarations enflammées, les appels à « la retenue » — tout en continuant leurs tractations avec Washington et Tel-Aviv. Les Émirats et Bahreïn, signataires des accords d’Abraham, n’ont jamais suspendu leurs coopérations économiques et sécuritaires. L’Arabie saoudite, tout en se posant en gardienne des lieux saints de l’islam, a poursuivi ses discussions en vue d’une normalisation avec Israël, ne reculant que sous la pression populaire.

L’Égypte, verrou du sud de Gaza, a fermé hermétiquement le point de passage de Rafah, empêchant l’évacuation de blessés ou l’entrée d’aide humanitaire. Le Caire, qui se pose pourtant en médiateur régional, a surtout cherché à éviter que l’exode palestinien ne vienne fragiliser son propre régime. Le cynisme de cette posture a choqué jusque dans la rue égyptienne.

La Jordanie, pourtant en première ligne, a adopté une position d’équilibriste : dénonciations verbales d’un côté, mais maintien de la coopération sécuritaire avec Israël de l’autre. Une duplicité qui reflète sa dépendance économique et militaire vis-à-vis de l’Occident.

Le Maroc, quant à lui, illustre un cas particulièrement criant de duplicité. En 2020, Rabat a normalisé ses relations avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham, en échange d’une reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara occidental. Ce marché diplomatique a transformé la question palestinienne en simple monnaie d’échange géopolitique.

Plus largement, la Ligue arabe est apparue pour ce qu’elle est devenue : un forum impuissant, où les grandes résolutions s’enlisent dans les querelles d’influence. Les sommets extraordinaires se succèdent, les communiqués s’empilent, mais aucune mesure contraignante — ni embargo, ni rupture diplomatique, ni pression économique — n’a été mise en œuvre.

La rue arabe, elle, n’a pas été silencieuse. Du Caire à Amman, de Rabat à Tunis, des millions de citoyens ont manifesté, criant leur solidarité avec Gaza et leur colère face à l’inaction de leurs dirigeants. Mais leurs voix se sont heurtées à la répression, à la censure, aux interdictions.

Ainsi, les régimes arabes se sont révélés prisonniers de leur propre peur : peur de la contestation intérieure, peur de déplaire à Washington, peur de perdre leurs alliances militaires et leurs rentes énergétiques. Gaza a été sacrifiée sur l’autel de la survie des régimes.

Cette hypocrisie n’est pas nouvelle. Mais dans l’ère des réseaux sociaux, où chaque image de Gaza circule en temps réel, elle est devenue intenable. Aux yeux des peuples arabes, leurs dirigeants apparaissent désormais comme des complices, non seulement par leur silence, mais par leur inertie calculée.

Le verdict de l’Histoire

Lorsque l’on relira ces années, les faits apparaîtront clairs : Gaza aura été le moment où l’Occident a définitivement perdu son autorité morale.

Car il n’y a pas pire crime que d’armer la main qui frappe les innocents tout en récitant les Évangiles des droits humains. Il n’y a pas pire hypocrisie que de brandir l’État de droit contre certains et de le fouler aux pieds pour d’autres.

Comme l’a dit Desmond Tutu : « Si vous êtes neutre dans les situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur. » L’Occident n’a pas été neutre : il a été complice.

Et ce crime, le monde entier le voit. Dans les capitales du Sud global, dans les villages africains, dans les rues d’Amérique latine, la leçon est tirée : l’Occident n’est pas le gardien de l’universel, mais un empire hypocrite, qui sélectionne les victimes en fonction de ses intérêts.

Ainsi s’écrit la fin d’un mythe. L’Occident a abdiqué son prétendu rôle de phare moral. Son silence, ses armes, ses mensonges l’ont condamné. Et quand le temps viendra, l’Histoire ne retiendra pas seulement le cri du peuple palestinien, mais aussi l’assourdissant silence — ou l’odieux soutien — des démocraties qui avaient juré de défendre la dignité humaine.

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Références

Human Rights Watch, rapports sur Gaza (2023-2024).

Amnesty International, « Starvation as a weapon of war », 2024.

Médecins sans frontières, communiqués de presse (2023-2025).

ONU, Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA), rapports de situation sur Gaza, 2023-2025.

Integrated Food Security Phase Classification (IPC), rapport famine Gaza, août 2025.

AP News, « Over 62,000 Palestinians killed since Oct. 7, half women and children », 24 août 2025.

The Guardian, « Israel’s war in Gaza has killed more journalists than any conflict in modern history », 16 août 2025.

Reuters, « UN experts censure Western support for Israel since Gaza war », 16 septembre 2024.

The Verge, « Gaza images, TikTok, and the attempt to silence », 2025.

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