Crise multiforme de l'Occident : pas d'autre choix que le sursaut

Dans un contexte mondial profondément transformé, l’Occident, qui s'est pensé et présenté depuis le siècle des Lumières comme le phare ultime d'Humanité, se retrouve à un carrefour inquiétant, confronté à des défis et à des contestations qui touchent à ses fondements intellectuels, politiques, économiques, moraux et démographiques. Alors que les puissances émergentes telle la Chine, la Russie, l'Iran, la Turquie et l'Inde contestent de plus en plus la domination occidentale, on assiste à une lente mais inexorable déliquescence de cet imperium qui a façonné le monde moderne depuis plusieurs siècles.

Décrépitude intellectuelle : L'ère de la post-vérité

Le discours public occidental a subi une transformation dramatique avec l’avènement de la « post-vérité », un concept qui décrit une époque où les émotions et croyances personnelles prennent le pas sur les faits objectifs. Cette tendance est alimentée par une confiance déclinante dans les institutions politiques, médiatiques et académiques. La montée des idéologies rances d’extrême droite, ainsi que des mouvements d'extrême gauche, a également contribué à cet effritement intellectuel.

Paradoxalement, les politiques identitaires et le wokisme, prétendant défendre les minorités, n'ont fait qu'engendrer de puissants clivages et alimenter la discorde au sein même des sociétés occidentales. Ces luttes qui échappent à la rationalité mettent en lumière un déclin des standards intellectuels, où la capacité à dialoguer et à raisonner est mise à mal par des récits simplificateurs et polarisants.

Stagnation économique et montée des inégalités

L’économie occidentale, longtemps dynamique et moteur de la prospérité mondiale, traverse aujourd'hui une période de stagnation.

Entre 2000 et 2020, la part de l'Occident dans le PIB mondial a diminué au profit des économies émergentes, notamment celles de la Chine et de l'Inde. De plus, la pauvreté, qui frappe de plus en plus de jeunes adultes dans les pays développés, contraste avec les promesses d'une prospérité partagée, tandis que la désindustrialisation ronge le tissu productif

Ce déclin économique a fait émerger un puissant sentiment de déclassement et de ressentiment envers les élites, fragilisant fortement la cohésion sociale.

Crise politique : Les fractures du paysage démocratique

Le paysage politique en Occident est marqué par une nette montée de la fragmentation et de l'instabilité. 

Les systèmes démocratiques libéraux, jadis perçus comme des modèles, sont désormais contestés par une spectaculaire montée en puissance de mouvements populistes de droite comme de gauche, qui exploitent le mécontentement populaire, et mettent en danger les institutions.

Des mouvements contestataires violents, comme les suprémacistes blancs, les antifascistes radicaux et certains mouvements écologistes, exploitent les tensions sociales et créent un climat d'insécurité et de chaos.

Les attaques contre des institutions et des représentations politiques renforcent cette atmosphère de méfiance généralisée, rendant difficile le dialogue et et handicape l'efficacité gouvernementale. Ce climat fait craindre une dérive vers des formes de gouvernance moins démocratiques et plus autoritaires.

Le déclin démographique : Une lente agonie

Les dynamiques démographiques constituent un autre indice inquiétant de décrépitude. De nombreux pays occidentaux sont descendus en dessous du seuil de renouvellement de la population, témoignant d'une inquiétude sur leur avenir. 

Alors que de plus en plus de jeunes sont confrontés à des incertitudes économiques, ils choisissent souvent de reporter ou d'abandonner des projets de vie traditionnels, tels que le mariage et la parentalité. Ces décisions, qui s'inscrivent dans un contexte de précarité croissante et de valeurs en mutation, risquent de miner le tissu social à long terme.

Décrépitude morale : Les faux-semblants de l’Humanisme

Mais c'est sans aucun doute sur le plan moral que le bilan de l'Occident est le plus accablant et prête le plus le flanc à la critique. Les démocraties occidentales se rendent coupables de flagrantes contradictions entre les valeurs humanistes qu'elles proclament avec ferveur et les réalités de leurs politiques, trahissant les idéaux de droits de l'Homme et de justice. 

Les contradictions sont frappantes et indécentes. Les critiques concernant le double standard appliqué à des crises internationales, comme celles de l’Ukraine et de la Palestine, illustrent l'échec des gouvernements à incarner ces valeurs, quand ils choisissent – pour des raisons géopolitiques – de soutenir des régimes autoritaires ou d’ignorer des violations des droits de l’homme.

De plus, l’héritage des crimes coloniaux et le manque de progrès sur des questions clé comme le réchauffement climatique et la biodiversité soulignent un écart choquant entre les promesses et la réalité, et font monter un sentiment d'injustice et d'irresponsabilité. Les péripéties de la politique étrangère occidentale, souvent fondée sur des cynismes économiques ou stratégiques, révèlent un manque d’engagement réel envers les principes éthiques scandés dans les discours en soutenant à de très nombreuses occasions des régimes autoritaires voire des mouvements sectaires, au nom d'un prétendu "réalisme".

Tour d'horizon (déprimant) des alternatives à l'hégémonie occidentale

Face à ce tableau de la décrépitude, la question se pose de savoir si les alternatives offertes par des puissances émergentes représentent un salut. 
  • Chine : Totalitarisme et dystopie écologique et démographique
La Chine, avec son modèle autoritaire et son obsession de la croissance, se présente comme une alternative au modèle occidental. Mais derrière le mirage économique se cache un système répressif, où la corruption est rampante, la liberté d'expression est étouffée et où un contrôle social dystopique est omniprésent. 

Si la Chine a accompli des prouesses économiques, elle l'a fait au prix d'une destruction écologique à grande échelle, laissant un héritage catastrophique pour les générations futures, et un vieillissement accéléré de sa population en âge de travailler.

Ces fragilités systémiques induisent des questions légitimes quant à la viabilité du modèle chinois à long terme.
  • Russie : Nostalgies impérialistes et répression
La Russie, quant à elle, se retrouve piégée dans un cycle de d'autoritarisme militariste et de nostalgie pour un empire passé. Le régime de Vladimir Poutine, tout en cultivant l’image d’un pays fort, fait face à des problèmes économiques sévères, avec une économie extractive, une corruption rampante, une inflation galopante et une fuite des cerveaux à grande échelle font peser des peser de lourdes menaces sur son devenir.
  • Moyen-Orient et Asie : Modèles à fuir
Les cas de la Turquie, de l'Iran et de la Corée du Nord ne font qu'enfoncer le clou. La Turquie, avec sa régression démocratique sous Erdogan, montre les symptôme d'un nationalisme exacerbé masquant mal des difficultés économiques sérieuses. L'Iran, quant à lui, s'enferme dans une théocratie oligarchique contestée qui ignore les droits des femmes et réprime violemment sa population. 

Les pays du Golfe, dépendants des énergies fossiles et dont l'économie est fondée sur une forme moderne d'esclavage de travailleurs précaires, contribuent à la destruction de l'environnement et alimentent des conflits régionaux.

Enfin, la Corée du Nord incarne le summum du totalitarisme délirant où le culte de la personnalité masque un effondrement économique dévastateur.

L'impératif d’un renouveau

Ce constat, à première vue déprimant, ne doit pas nous pousser pour autant à abandonner l'espoir ou à rejeter le meilleur des valeurs occidentales (démocratie libérale, libertés fondamentales et droits de l'Homme), qui devraient être plutôt considérées comme un héritage civilisationnel commun à défendre et à chérir.

Il doit plutôt pousser à reconnaître et à questionner les écarts flagrants entre les valeurs déclamées et les pratiques réelles, tant en politique intérieure qu'en relations internationales.

L'Occident doit se réveiller et se transformer. Il doit faire face à ses contradictions, corriger ses erreurs et promouvoir un modèle plus juste et plus durable. La promotion de la justice sociale, la lutte contre les inégalités et la protection de l'environnement sont des défis urgents auxquels il faut répondre de manière proactive.

La dérive actuelle ne signifie pas la fin de l'Histoire, mais un moment charnière. L'avenir de l'Occident, et du monde, dépend de sa capacité à apprendre de ses erreurs, à reconsidérer ses priorités et à construire un modèle plus équitable et plus durable. 

Les alternatives qui se dessinent au leadership occidental ne valent guère mieux. La Chine, avec son autoritarisme totalitaire, sa corruption endémique et son système de crédit social orwellien, ne peut être le modèle de demain. La Russie, dans sa dérive dictatoriale et sa militarisation, n'offre qu'un avenir sombre. L'Iran théocratique, la Turquie réactionnaire, la Corée du Nord délirante ou les monarchies pétrolières du Golfe ne sont guère plus reluisantes.

Pour conclure, le choix auquel les bonnes volontés de l'Occident sont confrontées est simple : sombrer dans le pessimisme, l'inertie et le nihilisme, ou s'engager avec lucidité, courage et humilité dans un processus de transformation profonde et salutaire.

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Références :

 "La grande stagnation" de Tyler Cowen

 "Le nouvel ordre mondial" de Henry Kissinger

 "La Chine et le nouvel ordre mondial" de François Godement

 "La fin de l'Occident" de Patrick Buchanan

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